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Le jour où la famille de Grandlieu et la baronne , accompagnée en cette circonstance de ses parents venus d' Angleterre , siégeaient dans le grand salon à l' hôtel de Grandlieu , et que Léopold Hannequin , le notaire de la famille , expliquait le contrat avant de le lire , Calyste , sur le front de qui chacun pouvait voir quelques nuages , refusa nettement d' accepter les avantages que lui faisait Mlle des Touches , il comptait encore sur le dévouement de Félicité qu' il croyait à la recherche de Béatrix .
En ce moment , et au milieu de la stupéfaction des deux familles , Sabine entra , vêtue de manière à rappeler quoique brune la marquise de Rochefide , et remit la lettre suivante à Calyste .
CAMILLE à CALYSTE
" Calyste , avant d' entrer dans ma cellule de postulante , il m' est permis de jeter un regard sur le monde que je vais quitter pour m' élancer dans le monde de la prière . Ce regard est entièrement à vous , qui , dans ces derniers temps , avez été pour moi tout le monde .
Ma voix arrivera , si mes calculs ne m' ont point trompée , au milieu d' une cérémonie à laquelle il m' était impossible d' assister . Le jour où vous serez devant un autel , donnant votre main à une jeune et charmante fille qui pourra vous aimer à la face du ciel et de la terre , moi je serai dans une maison religieuse à Nantes , devant un autel aussi , mais fiancée pour toujours à celui qui ne trompe et ne trahit personne .
Je ne viens pas vous attrister , mais vous prier de n' entraver par aucune fausse délicatesse le bien que j' ai voulu vous faire dès que je vous vis .
Ne me contestez pas des droits si chèrement conquis .
Si l' amour est une souffrance , ah ! je vous ai bien aimé , Calyste , mais n' ayez aucun remords : les seuls plaisirs que j' aie goûtés dans ma vie , je vous les dois , et les douleurs sont venues de moi - même .
Récompensez - moi donc de toutes ces douleurs passées en me donnant une joie éternelle . Permettez au pauvre Camille , qui n' est plus , d' être pour un peu dans le bonheur matériel dont vous jouirez tous les jours .
Laissez - moi , cher , être quelque chose comme un parfum dans les fleurs de votre vie , m' y mêler à jamais sans vous être importune .

BEATRIX (II, privé)
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