----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

La baronne et Zéphirine furent plongées dans une vive douleur en voyant que , malgré ses efforts pour obéir à son père , Calyste restait dans une stupeur de funeste augure . Le jour où la famille prit le deuil , la baronne avait conduit son fils sur le banc au fond du jardin et le questionnait .
Calyste répondait avec douceur et soumission , mais ses réponses étaient désespérantes .
" Ma mère , disait - il , il n' y a plus de vie en moi : ce que je mange ne me nourrit pas , l' air en entrant dans ma poitrine ne me rafraîchit pas le sang ; le soleil me semble froid , et quand il illumine pour toi la façade de notre maison , comme en ce moment , là où tu vois les sculptures inondées de lueurs , moi je vois des formes indistinctes enveloppées d' un brouillard .
Si Béatrix était ici , tout redeviendrait brillant .
Il n' est qu' une seule chose au monde qui ait sa couleur et sa forme , c' est cette fleur et ce feuillage " , dit - il en tirant de son sein et montrant le bouquet flétri que lui avait laissé la marquise .
La baronne n' osa plus rien demander à son fils , ses réponses accusaient plus de folie que son silence n' annonçait de douleur . Cependant Calyste tressaillit en apercevant Mlle des Touches à travers les croisées qui se correspondaient : Félicité lui rappelait Béatrix .
Ce fut donc à Camille que ces deux femmes désolées durent le seul mouvement de joie qui brilla au milieu de leur deuil .
" Eh bien , Calyste , dit Mlle des Touches en l' apercevant , la voiture est prête , nous allons chercher Béatrix ensemble , venez ? "
La figure maigre et pâle de ce jeune homme en deuil fut aussitôt nuancée par une rougeur , et un sourire anima ses traits .
" Nous le sauverons " , dit Mlle des Touches à la mère qui lui serra la main en pleurant de joie .
Mlle des Touches , la baronne du Guénic et Calyste partirent pour Paris huit jours après la mort du baron , laissant le soin des affaires à la vieille Zéphirine .
La tendresse de Félicité pour Calyste avait préparé le plus bel avenir à ce pauvre enfant . Alliée à la famille de Grandlieu , dont la branche ducale finissait par cinq filles , elle avait écrit à la duchesse de Grandlieu l' histoire de Calyste , en lui annonçant qu' elle vendait sa maison de la rue du Mont - Blanc , de laquelle quelques spéculateurs offraient deux millions cinq cent mille francs .

BEATRIX (II, privé)
Page: 838