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Elle tira de sa poche une petite boîte où elle avait mis , en cas de soif , des pastilles à la fraise ; elle en prit plusieurs ; mais tout en les savourant , elle ne put s' empêcher de remarquer que les fraises , qui n' existaient plus , revivaient cependant dans leurs qualités .
Elle conclut de là qu' il en pouvait être ainsi de nous . La mer lui offrait alors une image de l' infini . Nul grand esprit ne peut se tirer de l' infini , en admettant l' immortalité de l' âme , sans conclure à quelque avenir religieux .
Cette idée la poursuivit encore quand elle respira son flacon d' eau de Portugal . Son manège pour faire tomber Béatrix en partage à Calyste lui parut alors bien mesquin : elle sentit mourir la femme en elle , et se dégager la noble et angélique créature voilée jusqu' alors par la chair .
Son immense esprit , son savoir , ses connaissances , ses fausses amours l' avaient conduite face à face , avec quoi ? qui le lui eût dit ? avec la mère féconde , la consolatrice des affligés , l' Église romaine , si douce aux repentirs , si poétique avec les poètes , si naïve avec les enfants , si profonde et si mystérieuse pour les esprits inquiets et sauvages qu' ils y peuvent toujours creuser en satisfaisant toujours leurs insatiables curiosités , sans cesse excitées .
Elle jeta les yeux sur les détours que Calyste lui avait fait faire , et les comparait aux chemins tortueux de ces rochers .
Calyste était toujours à ses yeux le beau messager du ciel , un divin conducteur .
Elle étouffa l' amour terrestre par l' amour divin .
Après avoir marché pendant quelque temps en silence , Calyste ne put s' empêcher , sur une exclamation de Béatrix relative à la beauté de l' Océan qui diffère beaucoup de la Méditerranée , de comparer , comme pureté , comme étendue , comme agitation , comme profondeur , comme éternité , cette mer à son amour .
" Elle est bordée par un rocher , dit en riant Béatrix .
Quand vous me parlez ainsi , répondit - il en lui lançant un regard divin , je vous vois , je vous entends , et puis avoir la patience des anges ; mais quand je suis seul , vous auriez pitié de moi si vous pouviez me voir . Ma mère pleure alors de mon chagrin .

BEATRIX (II, privé)
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