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CALYSTE à BÉATRIX
" Madame , je vous aimais quand vous n' étiez pour moi qu' un rêve , jugez de la force qu' a prise mon amour en vous apercevant . Le rêve a été surpassé par la réalité . Mon chagrin est de n' avoir rien à vous dire que vous ne sachiez en vous disant combien vous êtes belle , mais peut - être vos beautés n' ont - elles jamais éveillé chez personne autant de sentiments qu' elles en excitent en moi .
Vous êtes belle de plus d' une façon , et je vous ai tant étudiée en pensant à vous jour et nuit , que j' ai pénétré les mystères de votre personne , les secrets de votre coeur et vos délicatesses méconnues .
Avez - vous jamais été comprise , adorée comme vous méritez de l' être ? Sachez - le donc , il n' y a pas un de vos traits qui ne soit interprété dans mon coeur : votre fierté répond à la mienne , la noblesse de vos regards , la grâce de votre maintien , la distinction de vos mouvements , tout en vous est en harmonie avec des pensées , avec des voeux cachés au fond de votre âme , et c' est en les devinant que je me suis cru digne de vous .
Si je n' étais pas devenu depuis quelques jours un autre vous - même , vous parlerais - je de moi ? Me lire , ce sera de l' égoïsme : il s' agit ici bien plus de vous que de Calyste .
Pour vous écrire , Béatrix , j' ai fait taire mes vingt ans , j' ai entrepris sur moi , j' ai vieilli ma pensée , ou peut - être l' avez - vous vieillie par une semaine des plus horribles souffrances , d' ailleurs innocemment causées par vous .
Ne me croyez pas un de ces amants vulgaires desquels vous vous êtes moquée avec tant de raison .
Le beau mérite d' aimer une jeune , une belle , une spirituelle , une noble femme ! Hélas ! je ne pense même pas à vous mériter .
Que suis - je pour vous ? un enfant attiré par l' éclat de la beauté , par les grandeurs morales comme un insecte est attiré par la lumière .
Vous ne pouvez pas faire autrement que de marcher sur les fleurs de mon âme , mais tout mon bonheur sera de vous les voir fouler aux pieds .

BEATRIX (II, privé)
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