----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Il est cependant venu des chevaux ici , dit la femme de chambre en montrant les preuves de leur séjour . Monsieur , dit - elle en s' adressant à Calyste , est - ce bien là la route qui mène à Guérande ?
Oui , répondit - il . Qui donc attendez - vous ?
On nous a dit qu' on viendrait nous chercher des Touches . Si l' on tardait , je ne sais pas comment Mme la marquise s' habillerait , dit - elle au domestique . Vous devriez aller chez Mlle des Touches . Quel pays de sauvages ! "
Calyste eut un vague soupçon de la fausseté de sa position .
" Votre maîtresse va donc aux Touches ? demanda - t - il .
Mademoiselle est venue ce matin à sept heures la chercher , répondit - elle . Ah ! voici des chevaux ... "
Calyste se précipita vers Guérande avec la vitesse et la légèreté d' un chamois , en faisant un crochet de lièvre pour ne pas être reconnu par les gens des Touches ; mais il en rencontra deux dans le chemin étroit des marais par où il passa .
" Entrerai - je , n' entrerai - je pas ? " pensait - il en voyant poindre les pins des Touches . Il eut peur , il rentra penaud et contrit à Guérande , et se promena sur le mail , où il continua sa délibération .
Il tressaillit en voyant les Touches , il en examinait les girouettes . " Elle ne se doute pas de mon agitation ! " se disait - il . Ses pensées capricieuses étaient autant de grappins qui s' enfonçaient dans son coeur et y attachaient la marquise .
Calyste n' avait pas eu ces terreurs , ces joies d' avant - propos avec Camille ; il l' avait rencontrée à cheval , et son désir était né comme à l' aspect d' une belle fleur qu' il eût voulu cueillir .
Ces incertitudes composent comme des poèmes chez les âmes timides . Échauffées par les premières flammes de l' imagination , ces âmes se soulèvent , se courroucent , s' apaisent , s' animent tour à tour , et arrivent dans le silence et la solitude au plus haut degré de l' amour , avant d' avoir abordé l' objet de tant d' efforts .
Calyste aperçut de loin sur le mail le chevalier du Halga qui se promenait avec Mlle de Pen - Hoël , il entendit prononcer son nom , il se cacha .
Le chevalier et la vieille fille , se croyant seuls sur le mail , y parlaient à haute voix .

BEATRIX (II, privé)
Page: 738