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Enfin notre grand dix - neuvième siècle lui apparut avec ses magnificences collectives , sa critique , ses efforts de rénovation en tous genres , ses tentatives immenses et presque toutes à la mesure du géant qui berça dans ses drapeaux l' enfance de ce siècle , et lui chanta des hymnes accompagnés par la terrible basse du canon . Initié par Félicité à toutes ces grandeurs , qui peut - être échappent aux regards de ceux qui les mettent en scène et qui en sont les ouvriers , Calyste satisfaisait aux Touches le goût du merveilleux si puissant à son âge , et cette naïve admiration , le premier amour de l' adolescence , qui s' irrite tant de la critique .
Il est si naturel que la flamme monte ! Il écouta cette jolie moquerie parisienne , cette élégante satire qui lui révélèrent l' esprit français et réveillèrent en lui mille idées endormies par la douce torpeur de sa vie en famille .
Pour lui , Mlle des Touches était la mère de son intelligence , une mère qu' il pouvait aimer sans crime .
Elle était si bonne pour lui : une femme est toujours adorable pour un homme à qui elle inspire de l' amour , encore qu' elle ne paraisse pas le partager .
En ce moment Félicité lui donnait des leçons de musique . Pour lui ces grands appartements du rez - de - chaussée encore étendus par les habiles dispositions des prairies et des massifs du parc , cette cage d' escalier meublée des chefs - d' oeuvre de la patience italienne , de bois sculptés , de mosaïques vénitiennes et florentines , de bas - reliefs en ivoire , en marbre , de curiosités commandées par les fées du Moyen Age ; ces appartements intimes , si coquets , si voluptueusement artistes , étaient vivifiés , animés par une lumière , un esprit , un air surnaturels , étranges , indéfinissables .
Le monde moderne avec ses poésies s' opposait vivement au monde morne et patriarcal de Guérande en mettant deux systèmes en présence .
D' un côté les mille effets de l' art , de l' autre l' unité de la sauvage Bretagne .
Personne alors ne demandera pourquoi le pauvre enfant , ennuyé comme sa mère des finesses de la mouche , tressaillait toujours en entrant dans cette maison , en y sonnant , en en traversant la cour .
Il est à remarquer que ces pressentiments n' agitent plus les hommes faits , rompus aux inconvénients de la vie , que rien ne surprend plus , et qui s' attendent à tout .
En ouvrant la porte , Calyste entendit les sons du piano , il crut que Camille Maupin était au salon ; mais , lorsqu' il entra au billard , la musique n' arriva plus à son oreille .
Camille jouait sans doute sur le petit piano droit qui lui venait d' Angleterre rapporté par Conti et placé dans son salon d' en haut .

BEATRIX (II, privé)
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