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Ce désert plein d' accidents , où parfois les rayons du soleil réfléchis par les eaux , par les sables , blanchissent le bourg de Batz , et ruissellent sur les toits du Croisic , en répandant un éclat impitoyable , occupait alors Camille des jours entiers .
Elle se tournait rarement vers les délicieuses vues fraîches , vers les bosquets et les haies fleuries qui enveloppent Guérande , comme une mariée , de fleurs , de rubans , de voiles et de festons . Elle souffrait alors d' horribles douleurs inconnues .
Dès que Calyste vit poindre les girouettes des deux pignons au - dessus des ajoncs du grand chemin et les têtes tortues des pins , il trouva l' air plus léger , Guérande lui semblait une prison , sa vie était aux Touches .
Qui ne comprendrait les attraits qui s' y trouvaient pour un jeune homme candide ? L' amour pareil à celui de Chérubin , qui l' avait fait tomber aux pieds d' une personne qui devint une grande chose pour lui avant d' être une femme , devait survivre aux inexplicables refus de Félicité .
Ce sentiment , qui est plus le besoin d' aimer que l' amour , n' avait pas échappé sans doute à la terrible analyse de Camille Maupin , et de là peut - être venait son refus , noblesse incomprise par Calyste .
Puis là brillaient d' autant plus les merveilles de la civilisation moderne qu' elles contrastaient avec tout Guérande , où la pauvreté des du Guénic était une splendeur .
Là se déployèrent aux regards ravis de ce jeune ignorant , qui ne connaissait que les genêts de la Bretagne et les bruyères de la Vendée , les richesses parisiennes d' un monde nouveau , de même qu' il y entendit un langage inconnu , sonore .
Calyste écouta les accents poétiques de la plus belle musique , la surprenante musique du dix - neuvième siècle chez laquelle la mélodie et l' harmonie luttent à puissance égale , où le chant et l' instrumentation sont arrivés à des perfections inouïes .
Il y vit les oeuvres de la plus prodigue peinture , celle de l' école française , aujourd' hui héritière de l' Italie , de l' Espagne et des Flandres , où le talent est devenu si commun que tous les yeux , tous les coeurs fatigués de talent appellent à grands cris le génie .
Il y lut ces oeuvres d' imagination , ces étonnantes créations de la littérature moderne qui produisirent tout leur effet sur un cour neuf .

BEATRIX (II, privé)
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