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Mlle des Touches admire son heureuse rivale avec un angélique laisser - aller , sans éprouver de jalousie ni garder d' arrière - pensée .
Jusqu' au moment où commence cette histoire , elle eut l' existence la plus heureuse que puisse imaginer une femme assez forte pour se protéger elle - même . De 1817 à 1834 , elle était venue cinq ou six fois aux Touches .
Son premier voyage eut lieu , après sa première déception , en 1818 . Sa maison des Touches était inhabitable ; elle renvoya son homme d' affaires à Guérande et en prit le logement aux Touches .
Elle n' avait alors aucun soupçon de sa gloire à venir , elle était triste , elle ne vit personne , elle voulait en quelque sorte se contempler elle - même après ce grand désastre . Elle écrivit à Paris ses intentions à l' une de ses amies , relativement au mobilier nécessaire pour arranger les Touches .
Le mobilier descendit par un bateau jusqu' à Nantes , fut apporté par un petit bâtiment au Croisic , et de là transporté , non sans difficulté , à travers les sables jusqu' aux Touches .
Elle fit venir des ouvriers de Paris , et se casa aux Touches , dont l' ensemble lui plut extraordinairement . Elle voulut pouvoir méditer là sur les événements de la vie , comme dans une chartreuse privée .
Au commencement de l' hiver , elle repartit pour Paris . La petite ville de Guérande fut alors soulevée par une curiosité diabolique : il n' y était bruit que du luxe asiatique de Mlle des Touches .
Le notaire , son homme d' affaires , donna des permissions pour aller voir les Touches . on y vint du bourg de Batz , du Croisic , de Savenay .
Cette curiosité rapporta , en deux ans , une somme énorme à la famille du concierge et du jardinier , dix - sept francs . Mademoiselle ne revint aux Touches que deux ans après , à son retour d' Italie , et y vint par Le Croisic .
On fut quelque temps sans la savoir à Guérande où elle était avec Conti le compositeur . Les apparitions qu' elle y fit successivement excitèrent peu la curiosité de la petite ville de Guérande .
Son régisseur et tout au plus le notaire étaient dans le secret de la gloire de Camille Maupin . En ce moment , cependant , la contagion des idées nouvelles avait fait quelques progrès dans Guérande , plusieurs personnes y connaissaient la double existence de Mlle des Touches .
Le directeur de la poste recevait des lettres adressées à Camille Maupin , aux Touches . Enfin , le voile se déchira .

BEATRIX (II, privé)
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