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Les aventures tenues pour vraies par le monde et que Camille ne désavoue point , confirment les questions suggérées par son aspect . Mais peut - être aime - t - elle cette calomnie ? La nature de sa beauté n' a pas été sans influence sur sa renommée : elle l' a servie , de même que sa fortune et sa position l' ont maintenue au milieu du monde .
Quand un statuaire voudra faire une admirable statue de la Bretagne , il peut copier Mlle des Touches . Ce tempérament sanguin , bilieux , est le seul qui puisse repousser l' action du temps .
La pulpe incessamment nourrie de cette peau comme vernissée est la seule arme que la nature ait donnée aux femmes pour résister aux rides , prévenues d' ailleurs chez Camille par l' impassibilité de la figure .
En 1817 , cette charmante fille ouvrit sa maison aux artistes , aux auteurs en renom , aux savants , aux publicistes vers lesquels ses instincts la portaient . Elle eut un salon semblable à celui du baron Gérard , où l' aristocratie se mêlait aux gens illustres , où vint l' élite des Parisiennes .
La parenté de Mlle des Touches et sa fortune , augmentée de la succession de sa tante religieuse , la protégèrent dans l' entreprise , si difficile à Paris , de se créer une société .
Son indépendance fut une raison de son succès . Beaucoup de mères ambitieuses conçurent l' espoir de lui faire épouser leurs fils dont la fortune était en désaccord avec la beauté de leurs écussons .
Quelques pairs de France alléchés par quatre - vingt mille livres de rentes , séduits par cette maison magnifiquement montée , y amenèrent leurs parentes les plus revêches et les plus difficiles .
Le monde diplomatique , qui recherche les amusements de l' esprit , y vint et s' y plut . Mlle des Touches , entourée de tant d' intérêts , put donc étudier les différentes comédies que la passion , l' avarice , l' ambition font jouer à tous les hommes , même les plus élevés .
Elle vit de bonne heure le monde comme il est , et fut assez heureuse pour ne pas éprouver promptement cet amour entier qui hérite de l' esprit , des facultés de la femme et l' empêche alors de juger sainement .
Ordinairement la femme sent , jouit et juge successivement ; de là trois âges distincts , dont le dernier coïncide avec la triste époque de la vieillesse .
Pour Mlle des Touches , l' ordre fut renversé . Sa jeunesse fut enveloppée des neiges de la science et des froideurs de la réflexion .

BEATRIX (II, privé)
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