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Le résultat fut en sens inverse de la cause : Félicité n' avait aucune pente au mal , elle concevait tout par la pensée et s' abstenait du fait ; elle enchantait le vieux Faucombe et l' aidait dans ses travaux ; elle écrivit trois des ouvrages du bon gentilhomme , qui les crut de lui , car sa paternité spirituelle fut aveugle aussi .
De si grands travaux , en désaccord avec les développements de la jeune fille , eurent leur effet : Félicité tomba malade , son sang s' était échauffé , la poitrine paraissait menacée d' inflammation .
Les médecins ordonnèrent l' exercice du cheval et les distractions du monde . Mlle des Touches devint une très habile écuyère , et se rétablit en peu de mois .
à dix - huit ans elle apparut dans le monde , où elle produisit une si grande sensation qu' à Nantes personne ne la nommait autrement que la belle demoiselle des Touches ; mais les adorations qu' elle inspira la trouvèrent insensible , elle y était venue par un de ces sentiments impérissables chez une femme , quelle que soit sa supériorité .
Froissée par sa tante et ses cousines qui se moquèrent de ses travaux et la persiflèrent sur son éloignement en la supposant inhabile à plaire , elle avait voulu se montrer coquette et légère , femme , en un mot .
Félicité s' attendait à un échange quelconque d' idées , à des séductions en harmonie avec l' élévation de son intelligence , avec l' étendue de ses connaissances ; elle éprouva du dégoût en entendant les lieux communs de la conversation , les sottises de la galanterie , et fut surtout choquée par l' aristocratie des militaires , auxquels tout cédait alors .
Naturellement , elle avait négligé les arts d' agrément .
En se voyant inférieure à des poupées qui jouaient du piano et faisaient les agréables en chantant des romances , elle voulut être musicienne : elle rentra dans sa profonde retraite et se mit à étudier avec obstination sous la direction du meilleur maître de la ville .
Elle était riche , elle fit venir Steibelt pour se perfectionner , au grand étonnement de la ville .
On y parle encore de cette conduite princière .
Le séjour de ce maître lui coûta douze mille francs . Elle est , depuis , devenue musicienne consommée . Plus tard , à Paris , elle se fit enseigner l' harmonie , le contrepoint , et a composé la musique de deux opéras , qui ont eu le plus grand succès , sans que le public ait jamais été mis dans la confidence .

BEATRIX (II, privé)
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