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En ce moment le pas de Calyste anima la ruelle . La pauvre mère , dans le coeur de laquelle la joie succédait à l' inquiétude , vola de la salle à la porte et ouvrit à son fils .
" Oh ! s' écria Calyste d' un air chagrin , ma mère chérie , pourquoi m' attendre ? J' ai le passe - partout et un briquet .
Tu sais bien , mon enfant , qu' il m' est impossible de dormir quand tu es dehors " , dit - elle en l' embrassant .
Quand la baronne fut dans la salle , elle regarda son fils pour deviner , d' après l' expression de son visage , les événements de la soirée ; mais il lui causa , comme toujours , cette émotion que l' habitude n' affaiblit pas , que ressentent toutes les mères aimantes à la vue du chef - d' oeuvre humain qu' elles ont fait et qui leur trouble toujours la vue pour un moment .
Hormis les yeux noirs pleins d' énergie et de soleil qu' il tenait de son père , Calyste avait les beaux cheveux blonds , le nez aquilin , la bouche adorable , les doigts retroussés , le teint suave , la délicatesse , la blancheur de sa mère .
Quoiqu' il ressemblât assez à une fille déguisée en homme , il était d' une force herculéenne . Ses nerfs avaient la souplesse et la vigueur de ressorts en acier , et la singularité de ses yeux noirs n' était pas sans charme .
Sa barbe n' avait pas encore poussé . Ce retard annonce , dit - on , une grande longévité . Le chevalier , vêtu d' une redingote courte en velours noir pareil à la robe de sa mère , et garnie de boutons d' argent , avait un foulard bleu , de jolies guêtres et un pantalon de coutil grisâtre .
Son front de neige semblait porter les traces d' une grande fatigue , et n' accusait cependant que le poids de pensées tristes .
Incapable de soupçonner les peines qui dévoraient le coeur de Calyste , la mère attribuait au bonheur cette altération passagère . Néanmoins Calyste était beau comme un dieu grec , mais beau sans fatuité : d' abord il était habitué à voir sa mère , puis il se souciait fort peu d' une beauté qu' il savait inutile .
" Ces belles joues si pures , pensa - t - elle , où le sang jeune et riche rayonne en mille réseaux , sont donc à une autre femme , maîtresse également de ce front de jeune fille . La passion y amènera mille désordres et ternira ces beaux yeux , humides comme ceux des enfants ! "

BEATRIX (II, privé)
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