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La pauvre mère rentra désolée en apprenant que la ville était au fait de ce qu' elle croyait être seule à savoir . Elle s' assit , raviva la mèche de la lampe en la coupant avec de vieux ciseaux , et reprit la tapisserie à la main qu' elle faisait en attendant Calyste .
La baronne se flattait ainsi de forcer son fils à revenir plus tôt , à passer moins de temps chez Mlle des Touches . Ce calcul de la jalousie maternelle était inutile .
De jour en jour les visites de Calyste aux Touches devenaient plus fréquentes , et chaque soir il revenait plus tard ; enfin la veille le chevalier n' était rentré qu' à minuit . La baronne , perdue dans sa méditation maternelle , tirait ses points avec l' activité des personnes qui pensent en faisant quelque ouvrage manuel .
Qui l' eût vue ainsi penchée à la lueur de cette lampe , sous les lambris quatre fois centenaires de cette salle , aurait admiré ce sublime portrait .
Fanny avait une telle transparence de chair qu' on aurait pu lire ses pensées sur son front . Tantôt , piquée des curiosités qui viennent aux femmes pures , elle se demandait quels secrets diaboliques possédaient ces filles de Baal pour autant charmer les hommes , et leur faire oublier mère , famille , pays , intérêt .
Tantôt elle allait jusqu' à vouloir rencontrer cette femme afin de la juger sainement .
Elle mesurait l' étendue des ravages que l' esprit novateur du siècle , peint comme si dangereux pour les jeunes âmes par le curé , devait faire sur son unique enfant , jusqu' alors aussi candide , aussi pur qu' une jeune fille innocente , dont la beauté n' eût pas été plus fraîche que la sienne .
Calyste , ce magnifique rejeton de la plus vieille race bretonne et du sang irlandais le plus noble , avait été soigneusement élevé par sa mère . Jusqu' au moment où la baronne le remit au curé de Guérande , elle était certaine qu' aucun mot impur , qu' aucune idée mauvaise n' avaient souillé les oreilles ni l' entendement de son fils .
La mère , après l' avoir nourri de son lait , après lui avoir ainsi donné deux fois son sang , put le présenter dans une candeur de vierge au pasteur , qui , par vénération pour cette famille , avait promis de lui donner une éducation complète et chrétienne .
Calyste eut l' enseignement du séminaire où l' abbé Grimont avait fait ses études .

BEATRIX (II, privé)
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