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Elle était d' une avarice admirée à dix lieues à la ronde , et qui n' y rencontrait aucune désapprobation . Elle avait avec elle une seule femme et ce petit domestique . Toute sa dépense , non compris les impôts , ne montait pas à plus de mille francs par an .
Aussi était - elle l' objet des cajoleries des Kergarouët - Pen - Hoël , qui passaient leurs hivers à Nantes et les étés à leur terre située au bord de la Loire , au - dessous d' Indret .
On la savait disposée à donner sa fortune et ses économies à celle de ses nièces qui lui plairait . Tous les trois mois , une des quatre demoiselles de Kergarouët , dont la plus jeune avait douze et l' aînée vingt ans , venait passer quelques jours chez elle .
Amie de Zéphirine du Guénic , Jacqueline de Pen - Hoël , élevée dans l' adoration des grandeurs bretonnes des du Guénic , avait , dès la naissance de Calyste , formé le projet de transmettre ses biens au chevalier en le mariant à l' une des nièces que devait lui donner la vicomtesse de Kergarouët - Pen - Hoël .
Elle pensait à racheter quelques - unes des meilleures terres des du Guénic en remboursant les fermiers engagistes .
Quand l' avarice se propose un but , elle cesse d' être un vice , elle est le moyen d' une vertu , ses privations excessives deviennent de continuelles offrandes , elle a enfin la grandeur de l' intention cachée sous ses petitesses .
Peut - être Zéphirine était - elle dans le secret de Jacqueline . Peut - être la baronne , dont tout l' esprit était employé dans son amour pour son fils et dans sa tendresse pour le père , avait - elle deviné quelque chose en voyant avec quelle malicieuse persévérance Mlle de Pen - Hoël amenait avec elle chaque jour Charlotte de Kergarouët , sa favorite , âgée de quinze ans .
Le curé Grimont était certes dans la confidence , il aidait la vieille fille à bien placer son argent .
Mais Mlle de Pen - Hoël aurait - elle eu trois cent mille francs en or , somme à laquelle étaient évaluées ses économies ; eût - elle eu dix fois plus de terres qu' elle n' en possédait , les du Guénic ne se seraient pas permis une attention qui pût faire croire à la vieille fille qu' on pensât à sa fortune .
Par un sentiment de fierté bretonne admirable , Jacqueline de Pen - Hoël , heureuse de la suprématie affectée par sa vieille amie Zéphirine et par les du Guénic , se montrait toujours honorée de la visite que daignaient lui faire la fille des rois d' Irlande et Zéphirine .

BEATRIX (II, privé)
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