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Aussi , quand elle sut que le baron allait amener une maîtresse au logis , avait - elle été très émue en croyant qu' il lui faudrait abandonner le sceptre du ménage et abdiquer en faveur de la baronne du Guénic , de laquelle elle serait la première sujette .
Mlle Zéphirine avait été bien agréablement surprise en trouvant dans miss Fanny O' Brien une fille née pour un haut rang , à qui les soins minutieux d' un ménage pauvre répugnaient excessivement , et qui , semblable à toutes les belles âmes , eût préféré le pain sec du boulanger au meilleur repas qu' elle eût été obligée de préparer ; capable d' accomplir les devoirs les plus pénibles de la maternité , forte contre toute privation nécessaire , mais sans courage pour des occupations vulgaires .
Quand le baron pria sa soeur , au nom de sa timide femme , de régir leur ménage , la vieille fille baisa la baronne comme une soeur ; elle en fit sa fille , elle l' adora , tout heureuse de pouvoir continuer à veiller au gouvernement de la maison , tenue avec une rigueur et des coutumes d' économie incroyables , desquelles elle ne se relâchait que dans les grandes occasions , telles que les couches , la nourriture de sa belle - soeur et tout ce qui concernait Calyste , l' enfant adoré de toute la maison .
Quoique les deux domestiques fussent habitués à ce régime sévère et qu' il n' y eût rien à leur dire , qu' ils eussent pour les intérêts de leurs maîtres plus de soin que pour les leurs , Mlle Zéphirine voyait toujours à tout .
Son attention n' étant pas distraite , elle était fille à savoir , sans y monter , la grosseur du tas de noix dans le grenier , et ce qu' il restait d' avoine dans le coffre de l' écurie sans y plonger son bras nerveux .
Elle avait au bout d' un cordon attaché à la ceinture de son casaquin un sifflet de contremaître avec lequel elle appelait Mariotte par un , et Gasselin par deux coups .
Le grand bonheur de Gasselin consistait à cultiver le jardin et à y faire venir de beaux fruits et de bons légumes .
Il avait si peu d' ouvrage que , sans cette culture , il se serait ennuyé .
Quand il avait pansé ses chevaux , le matin il frottait les planchers et nettoyait les deux pièces du rez - de - chaussée ; il avait peu de chose à faire après ses maîtres .
Aussi n' eussiez - vous pas vu dans le jardin une mauvaise herbe ni le moindre insecte nuisible .
Quelquefois on surprenait Gasselin immobile , tête nue en plein soleil , guettant un mulot ou la terrible larve du hanneton ; puis il accourait avec la joie d' un enfant montrer à ses maîtres l' animal qui l' avait occupé pendant une semaine .

BEATRIX (II, privé)
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