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Ses bras noblement arrondis , sa peau tendue et lustrée avaient un grain plus fin ; les contours avaient acquis leur plénitude . Enfin sa physionomie ouverte , sereine et faiblement rosée , la pureté de ses yeux bleus qu' un regard trop vif eût blessés , exprimaient l' inaltérable douceur , la tendresse infinie des anges .
à l' autre coin de la cheminée , et dans un fauteuil , la vieille soeur octogénaire , semblable en tout point , sauf le costume , à son frère , écoutait la lecture du journal en tricotant des bas , travail pour lequel la vue est inutile .
Elle avait les yeux couverts d' une taie , et se refusait obstinément à subir l' opération , malgré les instances de sa belle - soeur . Le secret de son obstination , elle seule le savait : elle se rejetait sur un défaut de courage , mais elle ne voulait pas qu' il se dépensât vingt - cinq louis pour elle .
Cette somme eût été de moins dans la maison . Cependant elle aurait bien voulu voir son frère .
Ces deux vieillards faisaient admirablement ressortir la beauté de la baronne . Quelle femme n' eût semblé jeune et jolie entre M . du Guénic et sa soeur ? Mlle Zéphirine , privée de la vue , ignorait les changements que ses quatre - vingts ans avaient apportés dans sa physionomie .
Son visage pâle et creusé , que l' immobilité des yeux blancs et sans regard faisait ressembler à celui d' une morte , que trois ou quatre dents saillantes rendaient presque menaçant , où la profonde orbite des yeux était cerclée de teintes rouges où quelques signes de virilité déjà blanchis perçaient dans le menton et aux environs de la bouche ; ce froid mais calme visage était encadré par un petit béguin d' indienne brune , piqué comme une courtepointe , garni d' une ruche en percale et noué sous le menton par des cordons toujours un peu roux .
Elle portait un cotillon de gros drap sur une jupe de piqué , vrai matelas qui recelait des doubles louis , et des poches cousues à une ceinture qu' elle détachait tous les soirs et remettait tous les matins comme un vêtement .
Son corsage était serré dans le casaquin populaire de la Bretagne , en drap pareil à celui du cotillon , orné d' une collerette à mille plis dont le blanchissage était l' objet de la seule dispute qu' elle eût avec sa belle - soeur , elle ne voulait la changer que tous les huit jours .
Des grosses manches ouatées de ce casaquin , sortaient deux bras desséchés mais nerveux , au bout desquels s' agitaient ses deux mains , dont la couleur un peu rousse faisait paraître les bras blancs comme le bois du peuplier .

BEATRIX (II, privé)
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