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Sans la topographie et la description de la ville , sans la peinture minutieuse de cet hôtel , les surprenantes figures de cette famille eussent été peut - être moins comprises . Aussi les cadres devaient - ils passer avant les portraits . Chacun pensera que les choses ont dominé les êtres .
Il est des monuments dont l' influence est visible sur les personnes qui vivent à l' entour . Il est difficile d' être irréligieux à l' ombre d' une cathédrale comme celle de Bourges .
Quand partout l' âme est rappelée à sa destinée par des images , il est moins facile d' y faillir . Telle était l' opinion de nos aïeux , abandonnée par une génération qui n' a plus ni signes ni distinctions , et dont les moeurs changent tous les dix ans .
Ne vous attendez - vous pas à trouver le baron du Guaisnic une épée au poing , ou tout ici serait mensonge ?
En 1836 , au moment où s' ouvre cette scène , dans les premiers jours du mois d' août , la famille du Guénic était encore composée de M . et de Mme du Guénic , de Mlle du Guénic , soeur aînée du baron , et d' un fils unique âgé de vingt et un ans , nommé Gaudebert - Calyste - Louis , suivant un vieil usage de la famille .
Le père se nommait Gaudebert - Calyste - Charles . On ne variait que le dernier patron . Saint Gaudebert et saint Calyste devaient toujours protéger les Guénic .
Le baron du Guénic avait quitté Guérande dès que la Vendée et la Bretagne prirent les armes , et il avait fait la guerre avec Charette , avec Catelineau , La Rochejacquelein , d' Elbée , Bonchamps et le prince de Loudon .
Avant de partir , il avait vendu tous ses biens à sa soeur aînée , Mlle Zéphirine du Guénic , par un trait de prudence unique dans les annales révolutionnaires .
Après la mort de tous les héros de l' Ouest , le baron , qu' un miracle seul avait préservé de finir comme eux , ne s' était pas soumis à Napoléon . Il avait guerroyé jusqu' en 1802 , année où , après avoir failli se laisser prendre , il revint à Guérande et de Guérande au Croisic , d' où il gagna l' Irlande , fidèle à la vieille haine des Bretons pour l' Angleterre .
Les gens de Guérande feignirent d' ignorer l' existence du baron : il n' y eut pas en vingt ans une seule indiscrétion .
Mlle du Guénic touchait les revenus et les faisait passer à son frère par des pêcheurs . M . du Guénic revint en 1813 à Guérande , aussi simplement que s' il était allé passer une saison à Nantes .

BEATRIX (II, privé)
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