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Les du Guaisnic sont d' ailleurs toujours propriétaires de leurs terres ; mais , comme ils n' en peuvent rendre le capital , consigné depuis deux cents ans entre leurs mains par les tenanciers actuels , ils n' en touchent point les revenus .
Ils sont dans la situation de la couronne de France avec ses engagistes avant 1789 . Où et quand les barons trouveront - ils le million que leurs fermiers leur ont remis ? Avant 1789 la mouvance des fiefs soumis au castel du Guaisnic , perché sur une colline , valait encore cinquante mille livres ; mais en un vote l' Assemblée nationale supprima l' impôt des lods et ventes perçu par les seigneurs .
Dans cette situation , cette famille , qui n' est plus rien pour personne en France , serait un sujet de moquerie à Paris : elle est toute la Bretagne à Guérande .
à Guérande , le baron du Guaisnic est un des grands barons de France , un des hommes au - dessus desquels il n' est qu' un seul homme , le roi de France , jadis élu pour chef .
Aujourd' hui le nom de du Guaisnic , plein de signifiances bretonnes et dont les racines sont d' ailleurs expliquées dans Les Chouans ou la Bretagne en 1799 , a subi l' altération qui défigure celui de du Guaisqlain .
Le percepteur des contributions écrit , comme tout le monde , Guénic .
Au bout d' une ruelle silencieuse , humide et sombre , formée par les murailles à pignon des maisons voisines , se voit le cintre d' une porte bâtarde assez large et assez haute pour le passage d' un cavalier , circonstance qui déjà vous annonce qu' au temps où cette construction fut terminée les voitures n' existaient pas .
Ce cintre , supporté par deux jambages , est tout en granit . La porte , en chêne fendillé comme l' écorce des arbres qui fournirent le bois est pleine de clous énormes , lesquels dessinent des figures géométriques .
Le cintre est creux . Il offre l' écusson des du Guaisnic aussi net , aussi propre que si le sculpteur venait de l' achever .
Cet écu ravirait un amateur de l' art héraldique par une simplicité qui prouve la fierté , l' antiquité de la famille . Il est comme au jour où les croisés du monde chrétien inventèrent ces symboles pour se reconnaître , les Guaisnic ne l' ont jamais écartelé , il est toujours semblable à lui - même , comme celui de la maison de France , que les connaisseurs retrouvent en abîme ou écartelé , semé dans les armes des plus vieilles familles .

BEATRIX (II, privé)
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