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à dix lieues à la ronde , Guérande est toujours Guérande , la ville illustre où se signa le traité fameux dans l' histoire , la clef de la côte et qui accuse , non moins que le bourg de Batz , une splendeur aujourd' hui perdue dans la nuit des temps .
Les bijoux , le drap , la toile , les rubans , les chapeaux se font ailleurs ; mais ils sont de Guérande pour tous les consommateurs . Tout artiste , tout bourgeois même , qui passent à Guérande , y éprouvent , comme ceux qui séjournent à Venise , un désir bientôt oublié d' y finir leurs jours dans la paix , dans le silence , en se promenant par les beaux temps sur le mail qui enveloppe la ville du côté de la mer , d' une porte à l' autre .
Parfois l' image de cette ville revient frapper au temple du souvenir : elle entre coiffée de ses tours , parée de sa ceinture , elle déploie sa robe semée de ses belles fleurs , secoue le manteau d' or de ses dunes , exhale les senteurs enivrantes de ses jolis chemins épineux et pleins de bouquets noués au hasard : elle vous occupe et vous appelle comme une femme divine que vous avez entrevue dans un pays étrange et qui s' est logée dans un coin du coeur .
Auprès de l' église de Guérande se voit une maison qui est dans la ville ce que la ville est dans le pays , une image exacte du passé , le symbole d' une grande chose détruite , une poésie . Cette maison appartient à la plus noble famille du pays , aux du Guaisnic , qui , du temps des du Guesclin , leur étaient aussi supérieurs en fortune et en antiquité que les Troyens l' étaient aux Romains .
Les Guaisqlain ( également orthographié jadis du Glaisquin ) dont on a fait Guesclin , sont issus des Guaisnic .
Vieux comme le granit de la Bretagne , les Guaisnic ne sont ni francs ni gaulois , ils sont bretons , ou , pour être plus exact , celtes .
Ils ont dû jadis être druides , avoir cueilli le gui des forêts sacrées et sacrifié des hommes sur les dolmens . Il est inutile de dire ce qu' ils furent . Aujourd' hui cette race , égale aux Rohan sans avoir daigné se faire princière , qui existait puissante avant qu' il ne fût question des ancêtres de Hugues Capet , cette famille , pure de tout alliage , possède environ deux mille livres de rente , sa maison de Guérande et son petit castel du Guaisnic .
Toutes les terres qui dépendent de la baronnie du Guaisnic , la première de Bretagne , sont engagées aux fermiers , et rapportent environ soixante mille livres , malgré l' imperfection des cultures .

BEATRIX (II, privé)
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