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Il écoute , il croit ce qu' il veut et arrive à la journée du concordat , après trois mois employés à vérifier les créances passives et les créances actives . Les syndics provisoires font alors à l' assemblée un petit rapport dont voici la formule générale :
" Messieurs , il nous était dû à tous en bloc un million . Nous avons dépecé notre homme comme une frégate sombrée . Les clous , les fers , les bois , les cuivres ont donné trois cent mille francs . Nous avons donc trente pour cent de nos créances .
Heureux d' avoir trouvé cette somme quand notre débiteur pouvait ne nous laisser que cent mille francs , nous le déclarons un Aristide , nous lui votons des primes d' encouragement , des couronnes , et proposons de lui laisser son actif , en lui accordant dix ou douze ans pour nous payer cinquante pour cent qu' il daigne nous promettre .
Voici le concordat , passez au bureau , signez - le ! "
à ce discours , les heureux négociants se félicitent et s' embrassent . Après l' homologation de ce concordat , le failli redevient négociant comme devant : on lui rend son actif , il recommence ses affaires , sans être privé du droit de faire faillite des dividendes promis , arrière - petite - faillite qui se voit souvent , comme un enfant mis au jour par une mère neuf mois après le mariage de sa fille .
Si le concordat ne prend pas , les créanciers nomment alors des syndics définitifs , prennent des mesures exorbitantes en s' associant pour exploiter les biens , le commerce de leur débiteur , saisissant tout ce qu' il aura , la succession de son père , de sa mère , de sa tante , etc .
Cette rigoureuse mesure s' exécute au moyen d' un contrat d' union .
Il y a donc deux faillites : la faillite du négociant qui veut ressaisir les affaires , et la faillite du négociant qui , tombé dans l' eau , se contente d' aller au fond de la rivière . Pillerault connaissait bien cette différence .
Il était , selon lui , comme selon Ragon , aussi difficile de sortir pur de la première que de sortir riche de la seconde . Après avoir conseillé l' abandon général , il alla s' adresser au plus honnête agréé de la place pour le faire exécuter en liquidant la faillite et remettant les valeurs à la disposition des créanciers .
La loi veut que les créanciers donnent , pendant la durée de ce drame , des aliments au failli et à sa famille .
Pillerault fit savoir au juge - commissaire qu' il pourvoirait aux besoins de sa nièce et de son neveu .
CESAR BIROTTEAU (VI, paris)
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