----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
Son principal mérite consistait en celui des Scapins de la vieille comédie : il possédait leur fertilité de ressources , leur adresse à côtoyer l' injuste , leur démangeaison de prendre ce qui est bon à garder . Enfin il comptait appliquer à son indigence le mot que l' abbé Terray disait au nom de l' État , quitte à devenir plus tard honnête homme .
Doué d' une activité passionnée , d' une intrépidité militaire à demander à tout le monde une bonne comme une mauvaise action en justifiant sa demande par la théorie de l' intérêt personnel , il méprisait trop les hommes en les croyant tous corruptibles , il était trop peu délicat sur le choix des moyens en les trouvant tous bons , il regardait trop fixement le succès et l' argent comme l' absolution du mécanisme moral pour ne pas réussir tôt ou tard .
Un pareil homme , placé entre le bagne et des millions , devait être vindicatif , absolu , rapide dans ses déterminations , mais dissimulé comme un Cromwell qui voulait couper la tête à la Probité .
Sa profondeur était cachée sous un esprit railleur et léger .
Simple commis parfumeur , il ne mettait point de bornes à son ambition ; il avait embrassé la Société par un coup d' oeil haineux en se disant : " Tu seras à moi ! " et il s' était juré à lui - même de ne se marier qu' à quarante ans .
Il se tint parole .
Au physique , Ferdinand était un jeune homme élancé , de taille agréable et de manières mixtes qui lui permettaient de prendre au besoin le diapason de toutes les sociétés .
Sa figure chafouine plaisait à la première vue ; mais plus tard , en le pratiquant , on y surprenait des expressions étranges qui se peignent à la surface des gens mal avec eux - mêmes , ou dont la conscience grogne à certaines heures .
Son teint très ardent sous la peau molle des Normands avait une couleur aigre . Le regard de ses yeux vairons doublés d' une feuille d' argent était fuyant , mais terrible quand il l' arrêtait droit sur sa victime .
Sa voix semblait éteinte comme celle d' un homme qui a longtemps parlé . Ses lèvres minces ne manquaient pas de grâce ; mais son nez pointu , son front légèrement bombé trahissaient un défaut de race .
Enfin ses cheveux , d' une coloration semblable à celle des cheveux teints en noir , indiquaient un métis social qui tirait son esprit d' un grand seigneur libertin , sa bassesse d' une paysanne séduite , ses connaissances d' une éducation inachevée , et ses vices de son état d' abandon .
CESAR BIROTTEAU (VI, paris)
Page: 73