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Camille et la marquise entrèrent dans Guérande avec la vicomtesse de Kergarouët et sa fille , au grand étonnement de toute la ville ébahie ; elles laissèrent leurs compagnes de voyage à l' entrée de la ruelle du Guénic , où peu s' en fallut qu' il ne se formât un attroupement . Calyste avait pressé le pas de son cheval pour aller prévenir sa tante et sa mère de l' arrivée de cette compagnie attendue à dîner .
Le repas avait été retardé conventionnellement jusqu' à quatre heures . Le chevalier revint pour donner le bras aux deux dames , puis il baisa la main de Camille en espérant pouvoir prendre celle de la marquise , qui tint résolument ses bras croisés , et à laquelle il jeta les plus vives prières dans un regard inutilement mouillé .
" Petit niais " , lui dit Camille en lui effleurant l' oreille par un modeste baiser plein d' amitié .
" C' est vrai , se dit en lui - même Calyste pendant que la calèche tournait , j' oublie les recommandations de ma mère ; mais je les oublierai , je crois , toujours . "
Mlle de Pen - Hoël intrépidement arrivée sur un cheval de louage , la vicomtesse de Kergarouët et Charlotte trouvèrent la table mise et furent traitées avec cordialité , sinon avec luxe , par les du Guénic .
La vieille Zéphirine avait indiqué dans les profondeurs de la cave des vins fins , et Mariotte s' était surpassée en ses plats bretons . La vicomtesse enchantée d' avoir fait le voyage avec l' illustre Camille Maupin , essaya d' expliquer la littérature moderne et la place qu' y tenait Camille , mais il en fut du monde littéraire comme du whist : ni les du Guénic , ni le curé qui survint , ni le chevalier du Halga n' y comprirent rien .
L' abbé Grimont et le vieux marin prirent part aux liqueurs du dessert .
Dès que Mariotte aidée par Gasselin et par la femme de chambre de la vicomtesse , eut ôté le couvert , il y eut un cri d' enthousiasme pour se livrer à la mouche .
La joie régnait dans la maison . Tous croyaient Calyste libre et le voyaient marié dans peu de temps à la petite Charlotte . Calyste restait silencieux .
Pour la première fois de sa vie , il établissait des comparaisons entre les Kergarouët et les deux femmes élégantes , spirituelles , pleines de goût , qui pendant ce moment devaient bien se moquer des deux provinciales , à s' en rapporter au premier regard qu' elles avaient échangé .
Fanny , qui connaissait le secret de Calyste , observait la tristesse de son fils , sur qui les coquetteries de Charlotte ou les attaques de la vicomtesse avaient peu de prise .
BEATRIX (II, privé)
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