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Enfin votre force éloigne les gens très forts qui prévoient une lutte . Votre puissance peut plaire à de jeunes âmes qui , semblables à celle de Calyste ,       aiment à être protégées ; mais , à la longue elle fatigue . Vous êtes grande et sublime : subissez les inconvénients de ces deux qualités , elles ennuient . 
 Quel arrêt ! s' écria Camille . Ne puis - je être femme , suis - je une monstruosité ? 
 Peut - être , dit Claude . 
 Nous verrons , s' écria la femme piquée au vif . 
 Adieu , ma chère , demain je pars . Je ne vous en veux pas , Camille : je vous trouve la plus grande des femmes ; mais si je continuais à vous servir de paravent ou d' écran , dit Claude avec deux savantes inflexions de voix , vous me mépriseriez singulièrement . 
Nous pouvons nous quitter sans chagrin ni remords : nous n' avons ni bonheur à regretter ni espérances déjouées . Pour vous , comme pour quelques hommes de génie infiniment rares , l' amour n' est pas ce que la nature l' a fait : un besoin impérieux à la satisfaction duquel elle attache de vifs mais de passagers plaisirs , et qui meurt ; vous le voyez tel que l' a créé le christianisme : un royaume idéal , plein de sentiments nobles , de grandes petitesses , de poésies , de sensations spirituelles , de dévouements , de fleurs morales d' harmonies enchanteresses , et situé bien au - dessus des grossièretés vulgaires , mais où vont deux créatures réunies en un ange , enlevées par les ailes du plaisir . 
Voilà ce que j' espérais , je croyais saisir une des clefs qui nous ouvrent la porte fermée pour tant de gens et par laquelle on s' élance dans l' infini . 
Vous y étiez déjà , vous ! Ainsi vous m' avez trompé . 
Je retourne à la misère , dans ma vaste prison de Paris . 
Il m' aurait suffi de cette tromperie au commencement de ma carrière pour me faire fuir les femmes ; aujourd' hui , elle met dans mon âme un désenchantement qui me plonge à jamais dans une solitude épouvantable , je m' y trouverai sans la foi qui aidait les pères à la peupler d' images sacrées . 
Voilà , ma chère Camille , où nous mène la supériorité de l' esprit : nous pouvons chanter tous deux l' hymne horrible qu' un poète a mis dans la bouche de Moïse parlant à Dieu : 
 Seigneur , vous m' avez fait puissant et solitaire !  " 
 En ce moment Calyste parut . 
  " Je ne dois pas vous laisser ignorer que je suis là " , dit - il .       
BEATRIX              (II, privé)
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