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Son menton voulait rejoindre le nez , mais on voyait , dans le caractère de ce nez bossué au milieu , les signes de son énergie et de sa résistance bretonne . Sa peau , marbrée de taches rouges qui paraissaient à travers ses rides , annonçait un tempérament sanguin , violent , fait pour les fatigues qui sans doute avaient préservé le baron de mainte apoplexie .
Cette tête était couronnée d' une chevelure blanche comme de l' argent , qui retombait en boucles sur les épaules .
La figure , alors éteinte en partie , vivait par l' éclat de deux yeux noirs qui brillaient au fond de leurs orbites brunes et jetaient les dernières flammes d' une âme généreuse et loyale . Les sourcils et les cils étaient tombés .
La peau , devenue rude , ne pouvait se déplisser . La difficulté de se raser obligeait le vieillard à laisser pousser sa barbe en éventail . Un peintre eût admiré par - dessus tout , dans ce vieux lion de Bretagne aux larges épaules , à la nerveuse poitrine , d' admirables mains de soldat , des mains comme devaient être celles de du Guesclin , des mains larges , épaisses , poilues , des mains qui avaient embrassé la poignée du sabre pour ne la quitter , comme fit Jeanne d' Arc , qu' au jour où l' étendard royal flotterait dans la cathédrale de Reims ; des mains qui souvent avaient été mises en sang par les épines des halliers dans le Bocage , qui avaient manié la rame dans le Marais pour aller surprendre les Bleus , ou en pleine mer pour favoriser l' arrivée de Georges ; les mains du partisan , du canonnier , du simple soldat , du chef ; des mains alors blanches quoique les Bourbons de la branche aînée fussent en exil ; mais en y regardant bien on y aurait vu quelques marques récentes qui vous eussent dit que le baron avait naguère rejoint MADAME dans la Vendée .
Aujourd' hui ce fait peut s' avouer .
Ces mains étaient le vivant commentaire de la belle devise à laquelle aucun Guénic n' avait failli : Fac ! Le front attirait l' attention par des teintes dorées aux tempes , qui contrastaient avec le ton brun de ce petit front dur et serré que la chute des cheveux avait assez agrandi pour donner encore plus de majesté à cette belle ruine .
BEATRIX (II, privé)
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