----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Quant à Michu , ce jeune homme , puissamment protégé , s' occupait beaucoup plus de plaire aux femmes de la société la plus élevée , où les recommandations de la famille de Cinq - Cygne l' avaient fait admettre , que des affaires excessivement simples d' un tribunal de province .
Riche d' environ douze mille livres de rente , il était courtisé par les mères , et menait une vie de plaisirs . Il faisait son tribunal par acquit de conscience , comme on fait ses devoirs au collège ; il opinait du bonnet , en disant à tout : " Oui , cher président .
" Mais , sous cet apparent laisser - aller , il cachait l' esprit supérieur d' un homme qui avait étudié à Paris et qui s' était distingué déjà comme substitut .
Habitué à traiter largement tous les sujets , il faisait rapidement ce qui occupait longtemps le vieux Blondet et le président , auxquels il résumait souvent les questions difficiles à résoudre .
Dans les conjonctures délicates , le président et le vice - président consultaient leur juge suppléant , ils lui confiaient les délibérés épineux et s' émerveillaient toujours de sa promptitude à leur apporter une besogne où le vieux Blondet ne trouvait rien à reprendre .
Protégé par l' aristocratie la plus hargneuse , jeune et riche , le juge suppléant vivait en dehors des intrigues et des petitesses départementales .
Indispensable à toutes les parties de campagne , il gambadait avec les jeunes personnes , courtisait les mères , dansait au bal , et jouait comme un financier .
Enfin , il s' acquittait à merveille de son rôle de magistrat fashionable , sans néanmoins compromettre sa dignité qu' il savait faire intervenir à propos , en homme d' esprit .
Il plaisait infiniment par la manière franche avec laquelle il avait adopté les moeurs de la province sans les critiquer . Aussi s' efforçait - on de lui rendre supportable le temps de son exil .
Le procureur du Roi , magistrat du plus grand talent mais jeté dans la haute politique , imposait au président . Sans son absence , l' affaire de Victurnien n' eût pas eu lieu . Sa dextérité , son habitude des affaires auraient tout prévenu .
Le président et du Croisier avaient profité de sa présence à la Chambre des députés , dont il était un des plus remarquables orateurs ministériels , pour ourdir leurs trames , en estimant , avec une certaine habileté , qu' une fois la Justice saisie et l' affaire ébruitée , il n' y aurait plus aucun remède .

CABINET DES ANTIQUES (IV, provinc)
Page:1070