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Le mariage de Joseph Blondet avec Mlle Blandureau avait été soumis par le père et la mère de cette héritière à la nomination de ce pauvre avocat sans cause à la place de juge suppléant . Dans le désir de rendre son fils capable d' exercer ses fonctions , le père se tuait de lui marteler la cervelle à coups de leçons pour en faire un routinier .
Le fils Blondet passait presque toutes ses soirées dans la maison de sa prétendue où , depuis son retour de Paris , Félicien du Ronceret avait été admis sans que ni le vieux ni le jeune Blondet en conçussent la moindre crainte .
Les principes économiques qui présidaient à cette vie mesurée avec une exactitude digne du Peseur d' or de Gérard Dow , où il n' entrait pas un grain de sel de trop , où pas un profit n' était oublié , cédaient cependant aux exigences de la serre et du jardinage .
Le jardin était la folie de Monsieur , disait Mlle Cadot , qui ne considérait pas son aveugle amour pour Joseph comme une folie , elle partageait à l' égard de cet enfant la prédilection du père , elle le choyait , lui reprisait ses bas , et aurait voulu voir employer à son usage l' argent mis à l' horticulture .
Ce jardin , merveilleusement tenu par un seul jardinier , avait des allées sablées en sable de rivière , sans cesse ratissées , et de chaque côté desquelles ondoyaient les plates - bandes pleines des fleurs les plus rares .
Là , tous les parfums , toutes les couleurs , des myriades de petits pots exposés au soleil , des lézards sur les murs , des serfouettes , des binettes enrégimentées , enfin l' attirail des choses innocentes et l' ensemble des productions gracieuses qui justifient cette charmante passion .
Au bout de sa serre , le juge avait établi un vaste amphithéâtre où sur des gradins siégeaient cinq ou six mille pots de pelargonium , magnifique et célèbre assemblée que la ville et plusieurs personnes des départements circonvoisins venaient voir à sa floraison .
à son passage par cette ville , l' impératrice Marie - Louise avait honoré cette curieuse serre de sa visite , et fut si fort frappée de ce spectacle qu' elle en parla à Napoléon , et l' Empereur donna la croix au vieux juge .
Comme le savant horticulteur n' allait dans aucune société , hormis la maison Blandureau , il ignorait les démarches faites à la sourdine par le président .
Ceux qui avaient pu pénétrer les intentions de du Ronceret le redoutaient trop pour avertir les inoffensifs Blondet .

CABINET DES ANTIQUES (IV, provinc)
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