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Chassé de la maison paternelle , Émile Blondet avait su conquérir une position distinguée à Paris ; mais plus morale que positive . Sa paresse , son laisser - aller , son insouciance avaient désespéré son véritable père qui , destitué dans une des réactions ministérielles si fréquentes sous la Restauration , était mort presque ruiné , doutant de l' avenir d' un enfant doué par la nature des plus brillantes qualités .
Émile Blondet était soutenu par l' amitié d' une demoiselle de Troisville , mariée au comte de Montcornet , et qu' il avait connue avant son mariage .
Sa mère vivait encore au moment où les Troisville revinrent d' émigration . Mme Blondet tenait à cette famille par des liens éloignés , mais suffisants pour y introduire Émile .
La pauvre femme pressentait l' avenir de son fils , elle le voyait orphelin , pensée qui lui rendait la mort doublement amère ; aussi lui chercha - t - elle des protecteurs .
Elle sut lier Émile avec l' aînée des demoiselles de Troisville à laquelle il plut infiniment , mais qui ne pouvait l' épouser . Cette liaison fut semblable à celle de Paul et Virginie . Mme Blondet essaya de donner de la durée à cette mutuelle affection qui devait passer comme passent ordinairement ces enfantillages , qui sont comme les dînettes de l' amour , en montrant à son fils un appui dans la famille Troisville .
Quand , déjà mourante , Mme Blondet apprit le mariage de Mlle de Troisville avec le général Montcornet , elle vint la prier solennellement de ne jamais abandonner Émile et de le patronner dans le monde parisien où la fortune du général l' appelait à briller .
Heureusement pour lui , Émile se protégea lui - même .
à vingt ans , il débuta comme un maître dans le monde littéraire . Son succès ne fut pas moindre dans la société choisie où se lança son père , qui d' abord put fournir aux profusions du jeune homme .
Cette célébrité précoce , la belle tenue d' Émile resserrèrent peut - être les liens de l' amitié qui l' unissait à la comtesse .
Peut - être Mme de Montcornet , qui avait du sang russe dans les veines , sa mère était fille de la princesse Sherbellof , eût - elle renié son ami d' enfance pauvre et luttant avec tout son esprit contre les obstacles de la vie parisienne et littéraire ; mais quand vinrent les tiraillements de la vie aventureuse d' Émile , leur attachement était inaltérable de part et d' autre .
En ce moment , Blondet que le jeune d' Esgrignon avait trouvé à Paris devant lui à son premier souper , passait pour un des flambeaux du journalisme .

CABINET DES ANTIQUES (IV, provinc)
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