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Ainsi tout tribunal , toute Cour royale de province offrent deux partis bien tranchés , celui des ambitions lassées d' espérer , contentes de l' excessive considération accordée en province au rôle qu' y jouent les magistrats , ou endormies par une vie tranquille ; puis celui des jeunes gens et des vrais talents auxquels l' envie de parvenir que nulle déception n' a tempérée , ou que la soif de parvenir aiguillonne sans cesse , donne une sorte de fanatisme pour leur sacerdoce .
à cette époque , le royalisme animait les jeunes magistrats contre les ennemis des Bourbons . Le moindre substitut rêvait réquisitoires , appelait de tous ses voeux un de ces procès politiques qui mettaient le zèle en relief , attiraient l' attention du ministère et faisaient avancer les gens du Roi .
Qui , parmi les Parquets , ne jalousait la Cour dans le ressort de laquelle éclatait une conspiration bonapartiste ? Qui ne souhaitait trouver un Caron , un Berton , une levée de boucliers ? Ces ardentes ambitions , stimulées par la grande lutte des partis , appuyées sur la raison d' État et sur la nécessité de monarchiser la France , étaient lucides , prévoyantes , perspicaces ; elles faisaient avec rigueur la police , espionnaient les populations et les poussaient dans la voie de l' obéissance d' où elles ne doivent pas sortir .
La Justice alors fanatisée par la foi monarchique réparait les torts des anciens parlements et marchait d' accord avec la Religion , trop ostensiblement peut - être .
Elle fut alors plus zélée qu' habile , elle pécha moins par machiavélisme que par la sincérité de ses vues qui parurent hostiles aux intérêts généraux du pays , qu' elle essayait de mettre à l' abri des révolutions .
Mais , prise dans son ensemble , la Justice contenait encore trop d' éléments bourgeois , elle était encore trop accessible aux passions mesquines du libéralisme , elle devait devenir tôt ou tard constitutionnelle et se ranger du côté de la Bourgeoisie au jour d' une lutte ... Dans ce grand corps , comme dans l' Administration , il y eut de l' hypocrisie , ou pour mieux dire , un esprit d' imitation qui porte la France à toujours se modeler sur la Cour , et à la tromper ainsi très innocemment .
Ces deux sortes de physionomies judiciaires existaient au tribunal où s' allait décider le sort du jeune d' Esgrignon . M . le président du Ronceret , un vieux juge nommé Blondet y représentaient ces magistrats résignés à n' être que ce qu' ils sont et casés pour toujours dans leur ville .

CABINET DES ANTIQUES (IV, provinc)
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