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Le jeune comte se permit en ville quelques autres escapades , traitées d' amourettes par le Chevalier , mais qui finirent par coûter à Chesnel des dots données à des jeunes filles séduites par d' imprudentes promesses de mariage : autres procès , nommés dans le Code détournements de mineures ; lesquels , par suite de la brutalité de la nouvelle justice , eussent conduit on ne sait où le jeune comte , sans la prudente intervention de Chesnel .
Ces victoires sur la justice bourgeoise enhardissaient Victurnien . Habitué à se tirer de ces mauvais pas , le jeune comte ne reculait point devant une plaisanterie . Il regardait les tribunaux comme des épouvantails à peuple qui n' avaient point prise sur lui .
Ce qu' il eût blâmé chez les roturiers était un excusable amusement pour lui . Cette conduite , ce caractère , cette pente à mépriser les lois nouvelles pour n' obéir qu' aux maximes du code noble , furent étudiés , analysés , éprouvés par quelques personnes habiles appartenant au parti du Croisier .
Ces gens s' en appuyèrent pour faire croire au peuple que les calomnies du libéralisme étaient des révélations , et que le retour à l' ancien ordre de choses dans toute sa pureté se trouvait au fond de la politique ministérielle .
Quel bonheur , pour eux , d' avoir une semi - preuve de leurs assertions ! Le président du Ronceret se prêtait admirablement , aussi bien que le procureur du Roi , à toutes les conditions compatibles avec les devoirs de la magistrature ; il s' y prêtait même par calcul au - delà des bornes , heureux de faire crier le parti libéral à propos d' une concession trop large .
Il excitait ainsi les passions contre la maison d' Esgrignon en paraissant la servir .
Ce traître avait l' arrière - pensée de se montrer incorruptible à temps , quand il serait appuyé sur un fait grave , et soutenu par l' opinion publique .
Les mauvaises dispositions du comte furent perfidement encouragées par deux ou trois jeunes gens de ceux qui lui composèrent une suite , qui captèrent ses bonnes grâces en lui faisant la cour , qui le flattèrent et obéirent à ses idées en essayant de confirmer sa croyance dans la suprématie du noble , à une époque où le noble n' aurait pu conserver son pouvoir qu' en usant pendant un demi - siècle d' une prudence extrême .
Du Croisier espérait réduire les d' Esgrignon à la dernière misère , voir leur château abattu , leurs terres mises à l' enchère et vendues en détail , par suite de leur faiblesse pour ce jeune étourdi dont les folies devaient tout compromettre .
Il n' allait pas plus loin , il ne croyait pas , comme le président du Ronceret , que Victurnien donnerait autrement prise à la justice .

CABINET DES ANTIQUES (IV, provinc)
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