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Cette gigantesque douleur , si virilement contenue , agissait sur Pierquin et sur Emmanuel qui , parfois , se sentaient assez émus pour vouloir offrir à cet homme la somme nécessaire à quelque série d' expériences ; tant sont communicatives les convictions du génie ! Tous deux concevaient comment Mme Claës et Marguerite avaient pu jeter des millions dans ce gouffre ; mais la raison arrêtait promptement les élans du coeur ; et leurs émotions se traduisaient par des consolations qui aigrissaient encore les peines de ce Titan foudroyé .
Claës ne parlait point de sa fille aînée , et ne s' inquiétait ni de son absence , ni du silence qu' elle gardait en n' écrivant ni à lui , ni à Félicie .
Quand Solis ou Pierquin lui en demandaient des nouvelles , il paraissait affecté désagréablement . Pressentait - il que Marguerite agissait contre lui ? Se trouvait - il humilié d' avoir résigné les droits majestueux de la paternité à son enfant ? En était - il venu à moins l' aimer parce qu' elle allait être le père , et lui l' enfant ? Peut - être y avait - il beaucoup de ces raisons et beaucoup de ces sentiments inexprimables qui passent comme des nuages en l' âme , dans la disgrâce muette qu' il faisait peser sur Marguerite .
Quelque grands que puissent être les grands hommes connus ou inconnus , heureux ou malheureux dans leurs tentatives , ils ont des petitesses par lesquelles ils tiennent à l' humanité .
Par un double malheur , ils ne souffrent pas moins de leurs qualités que de leurs défauts ; et peut - être Balthazar avait - il à se familiariser avec les douleurs de ses vanités blessées .
La vie qu' il menait , et les soirées pendant lesquelles ces quatre personnes se trouvèrent réunies en l' absence de Marguerite furent donc une vie et des soirées empreintes de tristesse , remplies d' appréhensions vagues .
Ce fut des jours infertiles comme des landes desséchées , où néanmoins ils glanaient quelques fleurs , rares consolations .
L' atmosphère leur semblait brumeuse en l' absence de la fille aînée , devenue l' âme , l' espoir et la force de cette famille .
Deux mois se passèrent ainsi , pendant lesquels Balthazar attendit patiemment sa fille .
Marguerite fut ramenée à Douai par son oncle , qui resta au logis au lieu de retourner à Cambrai , sans doute pour y appuyer de son autorité quelque coup d' état médité par sa nièce .
Ce fut une petite fête de famille que le retour de Marguerite . Le notaire et M . de Solis avaient été invités à dîner par Félicie et par Balthazar . Quand la voiture de voyage s' arrêta devant la porte de la maison , ces quatre personnes vinrent y recevoir les voyageurs avec de grandes démonstrations de joie .

RECHERCHE ABSOLU (X, philo)
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