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Pendant vingt jours que durèrent les apprêts , Mme Claës sut tromper avec habileté le désoeuvrement de son mari : tantôt elle le chargeait de choisir les fleurs rares qui devaient orner le grand escalier , la galerie et les appartements ; tantôt elle l' envoyait à Dunkerque pour s' y procurer quelques - uns de ces monstrueux poissons , la gloire des tables ménagères dans le département du Nord . Une fête comme celle que donnait Claës était une affaire capitale , qui exigeait une multitude de soins et une correspondance active , dans un pays où les traditions de l' hospitalité mettent si bien en jeu l' honneur des familles , que , pour les maîtres et les gens , un dîner est comme une victoire à remporter sur les convives .
Les huîtres arrivaient d' Ostende , les coqs de bruyère étaient demandés à l' Écosse , les fruits venaient de Paris ; enfin les moindres accessoires ne devaient pas démentir le luxe patrimonial .
D' ailleurs le bal de la Maison Claës avait une sorte de célébrité .
Le chef - lieu du département étant alors à Douai , cette soirée ouvrait en quelque sorte la saison d' hiver , et donnait le ton à toutes celles du pays .
Aussi pendant quinze ans Balthazar s' était - il efforcé de se distinguer , et avait si bien réussi qu' il s' en faisait chaque fois des récits à vingt lieues à la ronde , et qu' on parlait des toilettes , des invités , des plus petits détails , des nouveautés qu' on y avait vues , ou des événements qui s' y étaient passés .
Ces préparatifs empêchèrent donc Claës de songer à la recherche de l' Absolu .
En revenant aux idées domestiques et à la vie sociale , le savant retrouva son amour - propre d' homme , de Flamand , de maître de maison , et se plut à étonner la contrée .
Il voulut imprimer un caractère à cette soirée par quelque recherche nouvelle , et il choisit , parmi toutes les fantaisies du luxe , la plus jolie , la plus riche , la plus passagère , en faisant de sa maison un bocage de plantes rares , et préparant des bouquets de fleurs pour les femmes .
Les autres détails de la fête répondaient à ce luxe inouï , rien ne paraissait devoir en faire manquer l' effet .
Mais le vingt - neuvième bulletin et les nouvelles particulières des désastres éprouvés par la grande - armée en Russie et à la Bérésina s' étaient répandus dans l' après - dîner . Une tristesse profonde et vraie s' empara des Douaisiens , qui , par un sentiment patriotique , refusèrent unanimement de danser .

RECHERCHE ABSOLU (X, philo)
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