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Elle gardait donc le silence en éprouvant une espèce de joie à souffrir par lui , pour lui ; car sa passion avait une teinte de cette piété espagnole qui ne sépare jamais la foi de l' amour , et ne comprend point le sentiment sans souffrances . Elle attendait donc un retour d' affection en se disant chaque soir : " Ce sera demain ! " et en traitant son bonheur comme un absent .
Elle conçut son dernier enfant au milieu de ces troubles secrets . Horrible révélation d' un avenir de douleur ! En cette circonstance , l' amour fut , parmi les distractions de son mari , comme une distraction plus forte que les autres .
Son orgueil de femme , blessé pour la première fois , lui fit sonder la profondeur de l' abîme inconnu qui la séparait à jamais du Claës des premiers jours .
Dès ce moment , l' état de Balthazar empira . Cet homme , naguère incessamment plongé dans les joies domestiques , qui jouait pendant des heures entières avec ses enfants , se roulait avec eux sur le tapis du parloir ou dans les allées du jardin , qui semblait ne pouvoir vivre que sous les yeux noirs de sa Pépita , ne s' aperçut point de la grossesse de sa femme , oublia de vivre en famille et s' oublia lui - même .
Plus Mme Claës avait tardé à lui demander le sujet de ses occupations , moins elle l' osa .
à cette idée , son sang bouillonnait et la voix lui manquait .
Enfin elle crut avoir cessé de plaire à son mari et fut alors sérieusement alarmée . Cette crainte l' occupa , la désespéra , l' exalta , devint le principe de bien des heures mélancoliques , et de triste rêveries .
Elle justifia Balthazar à ses dépens en se trouvant laide et vieille ; puis elle entrevit une pensée généreuse , mais humiliante pour elle , dans le travail par lequel il se faisait une fidélité négative , et voulut lui rendre son indépendance en laissant s' établir un de ces secrets divorces , le mot du bonheur dont paraissent jouir plusieurs ménages .
Néanmoins , avant de dire adieu à la vie conjugale , elle tâcha de lire au fond de ce coeur , mais elle le trouva fermé .
Insensiblement , elle vit Balthazar devenir indifférent à tout ce qu' il avait aimé , négliger ses tulipes en fleur , et ne plus songer à ses enfants .
Sans doute il se livrait à quelque passion en dehors des affections du coeur , mais qui , selon les femmes , n' en dessèche pas moins le coeur .

RECHERCHE ABSOLU (X, philo)
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