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En butte à la défiance de son parti M . de Chavoncourt parut aux gens du Juste Milieu le plus excellent choix à faire ; ils préférèrent le triomphe de ses opinions modérées à l' ovation d' un républicain qui réunissait les voix des exaltés et des patriotes . M . de Chavoncourt , homme très estimé dans Besançon , représentait une vieille famille parlementaire ; sa fortune , d' environ quinze mille francs de rente , ne choquait personne , d' autant plus qu' il avait un fils et trois filles .
Quinze mille francs de rente ne sont rien avec de pareilles charges . Or , lorsqu' en de semblables circonstances , un père de famille reste incorruptible , il est difficile que des électeurs ne l' estiment pas .
Les électeurs se passionnent pour le beau idéal de la vertu parlementaire , tout autant qu' un parterre pour la peinture de sentiments généreux qu' il pratique très peu .
Mme de Chavoncourt , alors âgée de quarante ans , était une des belles femmes de Besançon . Pendant les sessions , elle vivait petitement dans un de ses domaines , afin de retrouver par ses économies les dépenses que faisait à Paris M .
de Chavoncourt . En hiver , elle recevait honorablement un jour par semaine , le mardi ; mais en entendant très bien son métier de maîtresse de maison .
Le jeune Chavoncourt , âgé de vingt - deux ans , et un autre jeune gentilhomme , nommé M . de Vauchelles , pas plus riche qu' Amédée , et de plus son camarade de collège , étaient excessivement liés .
Ils se promenaient ensemble à Granvelle , ils faisaient quelques parties de chasse ensemble ; ils étaient si connus pour être inséparables qu' on les invitait à la campagne ensemble .
Également liée avec les petites Chavoncourt , Rosalie savait que ces trois jeunes gens n' avaient point de secrets les uns pour les autres . Elle se dit que si M .
de Soulas commettait une indiscrétion , ce serait avec ses deux amis intimes . Or , M . de Vauchelles avait son plan fait pour son mariage comme Amédée pour le sien : il voulait épouser Victoire , l' aînée des petites Chavoncourt , à laquelle une vieille tante devait assurer un domaine de sept mille francs de rente et cent mille francs d' argent au contrat .
Victoire était la filleule et la prédilection de cette tante .

ALBERT SAVARUS (I, privé)
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