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Enfin , on m' a nommé d' office pour défendre un malheureux aux Assises , sans doute pour m' entendre parler au moins une fois ! Un des plus influents négociants de Besançon était du jury , il avait une affaire épineuse : j' ai tout fait dans cette cause pour cet homme et j' ai eu le succès le plus complet du monde .
Mon client était innocent , j' ai fait dramatiquement arrêter les vrais coupables , qui étaient au nombre des témoins . Enfin , la Cour a partagé l' admiration de son public . J' ai su sauver l' amour - propre du juge d' instruction en montrant la presque impossibilité de découvrir une trame si bien ourdie .
J' ai eu la clientèle de mon gros négociant , et je lui ai gagné son procès . Le Chapitre de la cathédrale m' a choisi pour avocat dans un immense procès avec la Ville qui dure depuis quatre ans : j' ai gagné .
En trois affaires , je suis devenu le plus grand avocat de la Franche - Comté . Mais j' ensevelis ma vie dans le plus profond mystère , et cache ainsi mes prétentions .
J' ai contracté des habitudes qui me dispensent d' accepter toute invitation . On ne peut me consulter que de six heures à huit heures du matin , je me couche après mon dîner , et je travaille pendant la nuit .
Le vicaire général , homme d' esprit et très influent , qui m' a chargé de l' affaire du Chapitre , déjà perdue en première instance , m' a naturellement parlé de reconnaissance .
" Monsieur , lui ai - je dit , je gagnerai votre affaire mais je ne veux pas d' honoraires , je veux plus ... ( haut - le - corps de l' abbé ) sachez que je perds énormément à me poser comme l' adversaire de la Ville , je suis venu ici pour en sortir député , je ne veux m' occuper que d' affaires commerciales , parce que les commerçants font les députés , et ils se défieront de moi si je plaide pour les prêtres , car vous êtes les prêtres pour eux .
Si je me charge de votre affaire , c' est que j' étais , en 1828 , secrétaire particulier à tel Ministère ( nouveau mouvement d' étonnement chez mon abbé ) , maître des requêtes sous le nom d' Albert de Savarus ( autre mouvement ) .
Je suis resté fidèle aux principes monarchiques ; mais comme vous n' avez pas la majorité dans Besançon , il faut que j' acquière des voix dans la bourgeoisie .
Donc , les honoraires que je vous demande , c' est les voix que vous pourrez faire porter sur moi dans un moment opportun , secrètement .
Gardons - nous le secret l' un à l' autre , et je plaiderai gratis toutes les affaires de tous les prêtres du diocèse .

ALBERT SAVARUS (I, privé)
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