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Quelle femme n' eût pas , comme elle , voulu savoir le vrai nom de sa rivale , car elle aimait ! En lisant ces pages contagieuse pour elle , elle s' était dit ce mot solennel : j' aime ! Elle aimait Albert , et se sentait au coeur une mordante envie de le disputer , de l' arracher à cette rivale inconnue .
Elle pensa qu' elle ne savait pas la musique et qu' elle n' était pas belle .
" Il ne m' aimera jamais " , se dit - elle .
Cette parole redoubla son désir de savoir si elle ne se trompait pas , si réellement Albert aimait une princesse italienne , et s' il était aimé d' elle . Durant cette fatale nuit , l' esprit de décision rapide qui distinguait le fameux Watteville se déploya tout entier chez son héritière .
Elle enfanta de ces plans bizarres autour desquels flottent d' ailleurs presque toutes les imaginations de jeunes filles , quand , au milieu de la solitude où quelques mères imprudentes les retiennent , elles sont excitées par un événement capital que le système de compression auquel elles sont soumises n' a pu ni prévoir ni empêcher .
Elle pensait à descendre avec une échelle par le kiosque dans le jardin de la maison où demeurait Albert , à profiter du sommeil de l' avocat pour voir par sa fenêtre i' intérieur de son cabinet .
Elle pensait à lui écrire , elle pensait à briser les liens de la société bisontine en introduisant Albert dans le salon de l' hôtel de Rupt .
Cette entreprise , qui eût paru le chef - d' oeuvre de l' impossible à l' abbé de Grancey lui - même , fut l' affaire d' une pensée .
" Ah ! se dit - elle , mon père a des contestations à sa terre des Rouxey , j' irai ! S' il n' y a pas de procès , j' en ferai naître , et il viendra dans notre salon ! " s' écria - t - elle en s' élançant de son lit à sa fenêtre pour aller voir la lumière prestigieuse qui éclairait les nuits d' Albert .
Une heure du matin sonnait , il dormait encore .
" Je vais le voir à son lever , il viendra peut - être à sa fenêtre ! "
En ce moment Mlle de Watteville fut témoin d' un événement qui devait remettre entre ses mains le moyen d' arriver à connaître les secrets d' Albert . à la lueur de la lune , elle aperçut deux bras tendus hors du kiosque et qui aidèrent Jérôme , le domestique d' Albert , à franchir la crête du mur et à entrer sous le kiosque .
Dans la complice de Jérôme , Rosalie reconnut aussitôt Mariette , la femme de chambre .

ALBERT SAVARUS (I, privé)
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