----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
Et vous me permettez de vous aimer noblement , en attendant tout du ciel ? " Elle inclina doucement la tête . Deux grosses larmes roulèrent sur les joues de Rodolphe .
" Hé bien , qu' avez - vous ? dit - elle en quittant son rôle d' impératrice .
Je n' ai plus ma mère pour lui dire combien je suis heureux , elle a quitté cette terre sans voir ce qui eût adouci son agonie ...
Quoi ? fit - elle .
Sa tendresse remplacée par une tendresse égale .
Povero mio , s' écria l' Italienne attendrie . C' est , croyez - moi , reprit - elle après une pause , une bien douce chose et un bien grand élément de fidélité pour une femme que de se savoir tout sur la terre pour celui qu' elle aime , de le voir seul , sans famille , sans rien dans le coeur que son amour , enfin de l' avoir bien tout entier ! "
Quand deux amants se sont entendus ainsi , le coeur éprouve une délicieuse quiétude , une sublime tranquillité . La certitude est la base que veulent les sentiments humains car elle ne manque jamais au sentiment religieux : l' homme est toujours certain d' être payé de retour par Dieu .
L' amour ne se croit en sûreté que par cette similitude avec l' amour divin . Aussi faut - il les avoir pleinement éprouvées pour comprendre les voluptés de ce moment , toujours unique dans la vie : il ne revient pas plus que ne reviennent les émotions de la jeunesse .
Croire à une femme , faire d' elle sa religion humaine , le principe de sa vie , la lumière secrète de ses moindres pensées ! ... n' est - ce pas une seconde naissance ? Un jeune homme mêle alors à son amour un peu de celui qu' il a pour sa mère .
Rodolphe et Francesca gardèrent pendant quelque temps le plus profond silence , se répondant par des regards amis et pleins de pensées .
Ils se comprenaient au milieu d' un des plus beaux spectacles de la nature , dont les magnificences , expliquées par celles de leurs coeurs , les aidaient à se graver dans leurs mémoires les plus fugitives impressions de cette heure unique .
Il n' y avait pas eu la moindre apparence de coquetterie dans la conduite de Francesca .
Tout en était large , plein , sans arrière - pensée . Cette grandeur frappa vivement Rodolphe qui reconnaissait en ceci la différence qui distingue l' Italienne de la Française .
ALBERT SAVARUS (I, privé)
Page: 953