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" Ces patriotes n' y vont pas de main morte ! se disait Rodolphe en sentant ses souffrances quand il se trouva seul dans son lit . Nel lago ! Gina m' aurait jeté dans le lac avec une pierre au cou ! "
Au jour , il envoya chercher à Lucerne le meilleur chirurgien ; et quand il fut venu , il lui recommanda le plus profond secret en lui faisant entendre que l' honneur l' exigeait . Léopold revint de son excursion le jour où son ami quittait le lit .
Rodolphe lui fit un conte et le chargea d' aller à Lucerne chercher les bagages et leurs lettres . Léopold apporta la plus funeste , la plus horrible nouvelle : la mère de Rodolphe était morte .
Pendant que les deux amis allaient de Bâle à Lucerne , la fatale lettre , écrite par le père de Léopold , y était arrivée le jour de leur départ pour Fluelen . Malgré les précautions que prit Léopold , Rodolphe fut saisi par une fièvre nerveuse .
Dès que le futur notaire vit son ami hors de danger , il partit pour la France muni d' une procuration . Rodolphe put ainsi rester à Gersau , le seul lieu du monde où sa douleur pouvait se calmer .
La situation du jeune Français , son désespoir , et les circonstances qui rendaient cette perte plus affreuse pour lui que pour tout autre , furent connues et attirèrent sur lui la compassion et l' intérêt de tout Gersau .
Chaque matin la fausse muette vint voir le Français , afin de donner des nouvelles à sa maîtresse .
Quand Rodolphe put sortir , il alla chez les Bergmann remercier miss Fanny Lovelace et son père de l' intérêt qu' ils lui avaient témoigné . Pour la première fois depuis son établissement chez les Bergmann , le vieil Italien laissa pénétrer un étranger dans son appartement , où Rodolphe fut reçu avec une cordialité due et à ses malheurs et à sa qualité de Français qui excluait toute défiance .
Francesca se montra si belle aux lumières pendant la première soirée , qu' elle fit entrer un rayon dans ce coeur abattu .
Ses sourires jetèrent les roses de l' espérance sur ce deuil . Elle chanta , non point des airs gais , mais de graves et sublimes mélodies appropriées à l' état du coeur de Rodolphe , qui remarqua ce soin touchant .
Vers huit heures , le vieillard laissa ces deux jeunes gens seuls sans aucune apparence de crainte , et se retira chez lui .
ALBERT SAVARUS (I, privé)
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