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Depuis dix ans , l' Angleterre nous a fait deux petits cadeaux linguistiques . à l' incroyable , au merveilleux , à l' élégant , ces trois héritiers des petits - maîtres dont l' étymologie est assez indécente , ont succédé le dandy , puis le lion . Le lion n' a pas engendré la lionne . La lionne est due à la fameuse chanson d' Alfred de Musset : Avez - vous vu dans Barcelone ... C' est ma maîtresse et ma lionne : il y a eu fusion , ou , si vous voulez , confusion entre les deux termes et les deux idées dominantes .
Quand une bêtise amuse Paris , qui dévore autant de chefs - d' oeuvre que de bêtises , il est difficile que la province s' en prive .
Aussi , dès que le lion promena dans Paris sa crinière , sa barbe et ses moustaches , ses gilets et son lorgnon tenu sans le secours des mains , par la contraction de la joue et de l' arcade sourcilière , les capitales de quelques départements ont - elles vu des sous - lions qui protestèrent , par l' élégance de leurs sous - pieds , contre l' incurie de leurs compatriotes .
Donc , Besançon jouissait , en 1834 , d' un lion dans la personne de ce M .
Amédée - Sylvain - Jacques de Soulas , écrit Souleyaz au temps de l' occupation espagnole . Amédée de Soulas est peut - être le seul qui , dans Besançon , descende d' une famille espagnole .
L' Espagne envoyait des gens faire ses affaires dans la Comté , mais il s' y établissait fort peu d' Espagnols . Les Soulas y restèrent à cause de leur alliance avec le cardinal Granvelle .
Le jeune M . de Soulas parlait toujours de quitter Besançon , ville triste , dévote , peu littéraire , ville de guerre et de garnison , dont les moeurs et l' allure , dont la physionomie valent la peine d' être dépeintes .
Cette opinion lui permettait de se loger , en homme incertain de son avenir , dans trois chambres très peu meublées au bout de la rue Neuve , à l' endroit où elle se rencontre avec la rue de la Préfecture .
Le jeune M . de Soulas ne pouvait pas se dispenser d' avoir un tigre . Ce tigre était le fils d' un de ses fermiers , un petit domestique âgé de quatorze ans , trapu , nommé Babylas . Le lion avait très bien habillé son tigre : redingote courte en drap gris de fer , serrée par une ceinture de cuir verni , culotte de panne gros - bleu , gilet rouge , bottes vernies et à revers , chapeau rond à bourdaloue noir , des boutons jaunes aux armes des Soulas .

ALBERT SAVARUS (I, privé)
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