----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
Le parti jeune et ambitieux comptait M . Camusot le juge d' instruction et M . Michu , nommé juge suppléant par la protection de la maison de Cinq - Cygne , et qui devait à la première occasion entrer dans le ressort de la Cour royale de Paris .
Mis à l' abri de toute destitution par l' inamovibilité judiciaire et ne se voyant pas accueilli par l' aristocratie suivant l' importance qu' il se donnait , le président du Ronceret avait pris parti pour la Bourgeoisie en donnant à son désappointement le vernis de l' indépendance , sans savoir que ses opinions le condamnaient à rester président toute sa vie .
Une fois engagé dans cette voie , il fut conduit par la logique des choses à mettre son espérance d' avancement dans le triomphe de du Croisier et du Côté Gauche .
Il ne plaisait pas plus à la préfecture qu' à la Cour royale . Forcé de garder des ménagements avec le pouvoir , il était suspect aux Libéraux .
Il n' avait ainsi de place dans aucun parti . Obligé de laisser la candidature électorale à du Croisier , il se voyait sans influence et jouait un rôle secondaire .
La fausseté de sa position réagissait sur son caractère , il était aigre et mécontent . Fatigué de son ambiguïté politique , il avait résolu secrètement de se mettre à la tête du parti libéral et de dominer ainsi du Croisier .
Sa conduite dans l' affaire du comte d' Esgrignon fut son premier pas dans cette carrière . Il représentait admirablement déjà cette Bourgeoisie qui offusque de ses petites passions les grands intérêts du pays , quinteuse en politique , aujourd' hui pour et demain contre le pouvoir , qui compromet tout et ne sauve rien , désespérée du mal qu' elle a fait et continuant à l' engendrer , ne voulant pas reconnaître sa petitesse , et tracassant le pouvoir en s' en disant la servante , à la fois humble et arrogante , demandant au peuple une subordination qu' elle n' accorde pas à la Royauté , inquiète des supériorités qu' elle désire mettre à son niveau , comme si la grandeur pouvait être petite , comme si le pouvoir pouvait exister sans force .
Ce président était un grand homme sec et mince , à front fuyant , à cheveux grêles et châtains , aux yeux vairons , à teint couperosé , aux lèvres serrées . Sa voix éteinte faisait entendre le sifflement gras de l' asthme .
CABINET DES ANTIQUES (IV, provinc)
Page:1061