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La salle à manger était vide , il ne s' y trouvait plus que deux chaises de paille et une table commune sur laquelle Marguerite aperçut avec effroi deux assiettes , deux bols , deux couverts d' argent , et sur un plat les restes d' un hareng saur que Claës et son valet de chambre venaient sans doute de partager .
En un instant elle parcourut la maison , dont chaque pièce lui offrit le désolant spectacle d' une nudité pareille à celle du parloir et de la salle à manger . L' idée de l' Absolu avait passé partout comme un incendie .
Pour tout mobilier , la chambre de son père avait un lit , une chaise et une table sur laquelle était un mauvais chandelier de cuivre où la veille avait expiré un bout de chandelle de la plus mauvaise espèce .
Le dénuement y était si complet qu' il ne s' y trouvait plus de rideaux aux fenêtres . Les moindres objets qui pouvaient avoir une valeur dans la maison , tout , jusqu' aux ustensiles de cuisine , avait été vendu .
Émue par la curiosité qui ne nous abandonne même pas dans le malheur , Marguerite entra chez Lemulquinier , dont la chambre était aussi nue que celle de son maître .
Dans le tiroir à demi fermé de la table , elle aperçut une reconnaissance du Mont - de - Piété qui attestait que le valet avait mis sa montre en gage quelques jours auparavant .
Elle courut au laboratoire , et vit cette pièce pleine d' instruments de science comme par le passé . Elle se fit ouvrir son appartement , son père y avait tout respecté .
Au premier coup d' oeil qu' elle y jeta , Marguerite fondit en larmes et pardonna tout à son père . Au milieu de cette fureur dévastatrice , il avait donc été arrêté par le sentiment paternel et par la reconnaissance qu' il devait à sa fille ! Cette preuve de tendresse , reçue dans un moment où le désespoir de Marguerite était au comble , détermina l' une de ces réactions morales contre lesquelles les coeurs les plus froids sont sans force .
Elle descendit au parloir et y attendit l' arrivée de son père , dans une anxiété que le doute augmentait affreusement .
Comment allait - elle le revoir ? Détruit , décrépit , souffrant , affaibli par les jeûnes qu' il subissait par orgueil ? Mais aurait - il sa raison ? Des larmes coulaient de ses yeux sans qu' elle s' en aperçut en retrouvant ce sanctuaire dévasté .
Les images de toute sa vie , ses efforts , ses précautions inutiles , son enfance , sa mère heureuse et malheureuse , tout , jusqu' à la vue de son petit Joseph qui souriait à ce spectacle de désolation , lui composait un poème de déchirantes mélancolies .
RECHERCHE ABSOLU (X, philo)
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