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Elle se demandait bientôt si Claës ne cherchait pas à l' épouser pour avoir au logis une esclave , s' il n' avait pas quelques imperfections secrètes qui l' obligeaient à se contenter d' une pauvre fille disgraciée . Ces anxiétés perpétuelles donnaient parfois un prix inouï aux heures où elle croyait à la durée , à la sincérité d' un amour qui devait la venger du monde .
Elle provoquait de délicates discussions en exagérant sa laideur , afin de pénétrer jusqu' au fond de la conscience de son amant , elle arrachait alors à Balthazar des vérités peu flatteuses ; mais elle aimait l' embarras où il se trouvait , quand elle l' avait amené à dire que ce qu' on aimait dans une femme était avant tout une belle âme , et ce dévouement qui rend les jours de la vie si constamment heureux ; qu' après quelques années de mariage , la plus délicieuse femme de la terre est pour un mari l' équivalent de la plus laide .
Après avoir entassé ce qu' il y avait de vrai dans les paradoxes qui tendent à diminuer le prix de la beauté , soudain Balthazar s' apercevait de la désobligeance de ces propositions , et découvrait toute la bonté de son coeur dans la délicatesse des transitions par lesquelles il savait prouver à Mlle de Temninck qu' elle était parfaite pour lui .
Le dévouement , qui peut - être est chez la femme le comble de l' amour , ne manqua pas à cette fille , car elle désespéra d' être toujours aimée ; mais la perspective d' une lutte dans laquelle le sentiment devait l' emporter sur la beauté la tenta ; puis elle trouva de la grandeur à se donner sans croire à l' amour ; enfin le bonheur , de quelque courte durée qu' il pût être , devait lui coûter trop cher pour qu' elle se refusât à le goûter .
Ces incertitudes , ces combats , en communiquant le charme et l' imprévu de la passion à cette créature supérieure , inspiraient à Balthazar un amour presque chevaleresque .
Le mariage eut lieu au commencement de l' année 1795 . Les deux époux revinrent à Douai passer les premiers jours de leur union dans la maison patriarcale des Claës , dont les trésors furent grossis par Mlle de Temninck qui apporta quelques beaux tableaux de Murillo et de Velasquez , les diamants de sa mère et les magnifiques présents que lui envoya son frère , devenu duc de Casa - Réal .
Peu de femmes furent plus heureuses que Mme Claës .

RECHERCHE ABSOLU (X, philo)
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