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Mlle Joséphine de Temninck fut coquette par grandeur d' âme . Le sentiment de ses apparentes imperfections la rendit aussi difficile que l' eût été la plus belle personne . La crainte de déplaire un jour éveillait sa fierté , détruisait sa confiance et lui donnait le courage de garder au fond de son coeur ces premières félicités que les autres femmes aiment à publier par leurs manières , et dont elles se font une orgueilleuse parure .
Plus l' amour la poussait vivement vers Balthazar , moins elle osait lui exprimer ses sentiments .
Le geste , le regard , la réponse ou la demande qui , chez une jolie femme , sont des flatteries pour un homme , ne devenaient - elles pas en elle d' humiliantes spéculations ? Une femme belle peut à son aise être elle - même , le monde lui fait toujours crédit d' une sottise ou d' une gaucherie ; tandis qu' un seul regard arrête l' expression la plus magnifique sur les lèvres d' une femme laide , intimide ses yeux , augmente la mauvaise grâce de ses gestes , embarrasse son maintien .
Ne sait - elle pas qu' à elle seule il est défendu de commettre des fautes , chacun lui refuse le don de les réparer , et d' ailleurs personne ne lui en fournit l' occasion .
La nécessité d' être à chaque instant parfaite ne doit - elle pas éteindre les facultés , glacer leur exercice ? Cette femme ne peut vivre que dans une atmosphère d' angélique indulgence .
Où sont les coeurs d' où l' indulgence s' épanche sans se teindre d' une amère et blessante pitié ? Ces pensées auxquelles l' avait accoutumée l' horrible politesse du monde , et ces égards qui , plus cruels que des injures , aggravent les malheurs en les constatant , oppressaient Mlle de Temninck , lui causaient une gêne constante qui refoulait au fond de son âme les impressions les plus délicieuses , et frappaient de froideur son attitude , sa parole , son regard .
Elle était amoureuse à la dérobée , n' osait avoir de l' éloquence ou de la beauté que dans la solitude .
Malheureuse au grand jour , elle aurait été ravissante s' il lui avait été permis de ne vivre qu' à la nuit .
Souvent , pour éprouver cet amour et au risque de le perdre , elle dédaignait la parure qui pouvait sauver en partie ses défauts .
Ses yeux d' Espagnole fascinaient quand elle s' apercevait que Balthazar la trouvait belle en négligé .
Néanmoins , la défiance lui gâtait les rares instants pendant lesquels elle se hasardait à se livrer au bonheur .
RECHERCHE ABSOLU (X, philo)
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