REMERCIEMENTS
Au terme (provisoire) d'une recherche d'une dizaine
d'années, nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance
envers les autorités gabonaises et particulièrement envers
Monsieur Auguste Moussirou-Mouyama, directeur de l'Ecole Normale Supérieure
de Libreville. Sans sa compréhension et son appui bienveillant,
la présente collecte n'aurait pu être menée à
bien. Il a facilité la sensibilisation de ses étudiants au
projet, autorisé leur collaboration à certaines enquêtes
en milieu difficile, permis l'accès à une documentation précieuse
: mémoires, travaux, ouvrages scientifiques rares. Qu'il en soit
ici chaleureusement remercié ! Toute notre gratitude
va également à l'AUPELF (actuelle Agence de la Francophonie)
et à la responsable du projet IFA, Danielle Latin pour le soutien
qui a permis le démarrage du projet et le financement des premières
missions de terrain. Nous adressons également
tous nos remerciements à Madame Sylvie Mellet, directrice de l'UPRESA
6039 à Nice (Institut National de la langue Française, CNRS)
et à Monsieur Ambroise Queffelec, professeur à l'Université
d'Aix-en-Provence, responsable de la revue Le français en Afrique
, qui ont bien voulu accueillir notre travail et en assurer la publication.
Que tous ceux (enseignants, chercheurs, techniciens, religieux, étudiants,
qui ont, de près ou de loin, collaboré à notre entreprise
par leurs collectes, leurs analyses, leurs informations, leurs critiques
ou leurs conseils, trouvent dans ces quelques lignes, l'expression de notre
vive gratitude. Leur aide, leur patience devant nos questions fastidieuses,
leur intérêt, méritent plus que des remerciements.
Nous ne saurions donc oublier de mentionner ici Nelly Lecomte qui a dépouillé
deux années de parution du journal L'Union, Claudette Boutin-Dousset,
Maria Alves, Caroline Thibaudier, Marie Artigues, Thomas Tchiggfrey, Sandrine
Ntsaga-Oyouni, (Paris III), Diane Bagouendi-Bagère, Magali Italia,
Jean-Aimé Pambou (Aix-en-Provence) qui par leurs enquêtes
et leurs travaux ont grandement alimenté et conforté notre
réflexion et dont les observations vigilantes nous ont été,
ô combien, précieuses. Merci également
à tous ceux qui nous ont fourni leur aide technique et bénévole
sur le terrain : Frère Hubert, Marie-Louise et André, Firmin,
Faty, Ghislaine, Mathilde et tous ceux que nous n'oublions pas et qui sont
trop nombreux pour être cités ici, ainsi qu'à ceux
comme Arnaud et Philippe dont les compétences techniques ont pallié
nos manques et corrigé nos erreurs informatiques ou éditoriales.
INTRODUCTION
1. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU GABON
1.1. Présentation géographique dans l’Afrique.
Le Gabon est situé au coeur même de l’Afrique, en bordure
(sur plus de 800 km) de l’Océan Atlantique, à cheval sur
l’Equateur comme son voisin le Congo, et au delà, le Congo Démocratique
(ex-Zaïre). Au nord-ouest du pays en bordure de l’Océan, la
petite Guinée Equatoriale est enchâssée dans le territoire
gabonais. La frontière nord sépare ensuite le Gabon du Cameroun.
Tout le reste du pays jouxte le Congo. A l’exception de l’Océan
Atlantique à l’ouest, toutes les autres frontières gabonaises
sont artificielles et résultent d’accords passés :
En 1886, par le décret du gouverneur
Savorgnan de Brazza fixant les frontières entre le Gabon et le Congo,
au sud. En 1900, entre la France et l’Espagne pour le
nord-ouest.
En 1919, entre la France et l’Allemagne pour le
nord .
Le Gabon a une forme ramassée (600 km d’est en ouest) et occupe
une superficie de 267 667 km?. C’est le plus petit Etat de l’Afrique centrale
après le Rwanda, le Burundi et la Guinée Equatoriale.
1.2. Géographie physique.
Le pays possède une grande unité physique grâce à
deux facteurs géographiques : sa végétation et son
réseau hydrographique, notamment le bassin de l’Ogooué et
de ses affluents. En effet, soumis à un climat pluvieux et humide,
le Gabon est par excellence la patrie de la grande forêt équatoriale
qui occupe encore presque 85% de la superficie du territoire, soit 225
000 km?. La notion de climat équatorial conditionne l’existence
de la grande forêt à peine piquetée de quelques îlots
de savanes, ce que les aviateurs locaux désignent plaisamment par
le nom de « champ de persil » tant son aspect vu d’avion semble
compact et impénétrable. Cette forêt se présente
pourtant sous deux formes : la mangrove ou forêt littorale, et la
forêt dense. Son exploitation, déjà ancienne, (en particulier
celle de l’okoumé) a été longtemps la principale source
de richesse du pays. Au contraire, la savane couvre peu d’étendue
: sur la côte, le long du cours inférieur de l’Ogooué,
dans la région de Ndendé, Mouila, Tchibanga, et à
l’est de Franceville. Elle résulte d’ailleurs beaucoup plus de l’action
de l’homme que de celle du climat. Le relief est
assez varié avec des plateaux et des collines découpés
par de nombreux cours d’eau dont le plus important est l’Ogooué
avec 1 200 km de longueur. On trouve également quelques massifs
montagneux tels que le Du Chaillu qui culmine à 1 500 m. d’altitude,
et des plaines parfois marécageuses. Le climat,
de type équatorial, donc chaud et humide, est caractérisé
par des températures constantes et élevées (température
moyenne annuelle d’environ 26°), une humidité atmosphérique
importante en raison de l’abondance des pluies qui tombent pratiquement
tout au long de l’année (hauteur moyenne annuelle : 2 m.). Localement
cependant, certaines modifications climatiques peuvent être provoquées
par l’influence océanique ou le relief. On distingue, malgré
tout, en fonction de la fréquence et de l’abondance des précipitations,
deux saisons des pluies (de la mi-février à la mi-mai, et
de la mi-septembre à la mi-décembre) et deux saisons sèches
(: de la mi-mai à la mi-septembre, et de la mi-décembre à
la mi-février).
1.3. Découpage administratif.
L’ancienne organisation administrative du Gabon, héritée
de l’époque coloniale française, a été modifiée
le 17 décembre 1975. Une nouvelle organisation territoriale a été
adoptée en 1984. Le Gabon est donc actuellement divisé en
neuf provinces, chacune d’elles étant à son tour subdivisée
en départements, chaque département en districts, chaque
district en cantons, chaque canton regroupant plusieurs villages. Ces diverses
circonscriptions sont respectivement administrées par un gouverneur
(nommé par le chef de l’Etat), un préfet, un sous-préfet,
un chef de canton, un chef de village (nommé par le gouverneur).
(Ministère de l’Education Nationale de la République gabonaise,
1983 : 39).
Carte n°1 : Découpage administratif
1.4. Economie et politique.
Le Gabon a connu de 1960 à 1990 une grande stabilité politique
s’appuyant sur un développement économique réel et
marquée par la présidence de Léon M’Ba jusqu’en 1967,
puis par celle de son successeur, l’actuel président Omar Bongo.
La richesse du pays en matières premières (pétrole,
bois, uranium, manganèse...) a permis de créer des emplois
et de disposer de recettes importantes. Avec un peu plus d’un million d’habitants,
il peut être considéré comme un des états africains
les mieux dotés en ressources et un des mieux à même
de satisfaire les besoins du plus grand nombre. Jusqu’en 1986, il a même
fait figure de privilégié avec un PIB dépassant 5
000 dollars par an et par tête d’habitant, (Regarder l’Afrique,
Septembre 1993 : 19), un niveau de vie comparativement très élevé
et une politique très avancée en matière d’éducation,
de santé et de services sociaux. La chute des prix du pétrole
et du cours du dollar en 1986 ont interrompu de façon brutale ce
décollage économique. Par insuffisance de ressources, le
montant du budget a été divisé par deux : les services
sanitaires et éducatifs ont manqué de moyens, beaucoup d’entreprises
étrangères ont fermé, la dette extérieure a
gonflé et le revenu par tête n’est plus que de 3 000 dollars
(Ibid. : 19). Après l’euphorie des années 1970, l’austérité
qui s’est alors installée, a suscité le mécontentement
dans les deux villes principales : Libreville, la capitale et Port-Gentil,
le cœur économique. L’agitation a culminé au début
de l’année 1990 et le président Bongo a lancé alors
un mouvement de démocratisation avec l’organisation d’une conférence
nationale rassemblant toutes les forces socio-politiques de la nation.
Le parti unique, le PDG (Parti Démocratique Gabonais) a été
dissous en avril et le multipartisme instauré. Mais, le 12 janvier
1994, le Gabon a fait face à une nouvelle crise : la dévaluation
du franc CFA, et donc le budget a été une seconde fois diminué
de moitié. De plus, l’économie du pays reste extrêmement
dépendante du secteur pétrolier qui, à lui seul, représente
80% des exportations (contre 30% à la fin des années soixante).
Ces recettes, liées au cours du pétrole et du dollar, sont
fort fluctuantes : ainsi, elles sont passées de 543 milliards de
francs CFA en 1990 à 500 milliards en 1992 pour remonter sensiblement
en 2000. Les gisements d’uranium et de manganèse apportent certes
un complément financier essentiel. Mais la surproduction mondiale
a pour conséquence actuelle la baisse des prix et la réduction
des exportations. Quant à l’exploitation forestière qui,
avant la découverte des gisements pétroliers, occupait une
place prépondérante dans l’activité économique,
elle ne représente plus que 2% du PIB. Or, l’agriculture, la pêche
et l’élevage restent embryonnaires et le pays importe la quasi-totalité
de ses produits alimentaires, malgré la création de quelques
complexes agro-industriels comme Agrogabon (huile de palme), Hévégab
(hévéa) ou la Société sucrière du Haut-Ogooué
(canne à sucre), actuellement en cours de privatisation. En effet,
la commercialisation de la production se heurte à l’étroitesse
du marché local, à l’absence d’un réseau routier étendu
et de bonne qualité ainsi qu’aux prix souvent avantageux des produits
importés. La situation économique demeure donc fragile malgré
l’importante remontée des recettes pétrolières et
la stabilité sociopolitique s’en ressent alors que le Gabon approche
d’échéances électorales importantes.
2. PRÉSENTATION HISTORIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE.
2.1. Histoire du peuplement du Gabon.
Bien que l’homme semble avoir été présent dans la
région dès l’époque préhistorique, l’installation
des Pygmées est considérée comme la transition entre
préhistoire et histoire locale proprement dite, marquée par
d’importants mouvements migratoires. Le Gabon compte actuellement une cinquantaine
d’ethnies, de culture bantoue pour la plupart et n’ayant atteint leurs
emplacements actuels qu’à la suite de migrations plus ou moins récentes.
Il convient cependant de préciser, avant d’aborder cette partie,
qu’il existe un certain nombre de variantes graphiques des ethnonymes selon
les livres et les auteurs. Pour ne pas désorienter un lecteur francophone
non gabonais, nous adopterons ici une transcription conforme à l’orthographe
usuelle du français, permettant plus facilement d’induire une prononciation
acceptable par les nationaux. + migrations en provenance
du nord Certains groupes, les plus nombreux et les premiers à s’établir,
les peuples de langue miéné, sont venus des savanes du nord-est
de l’arrière-pays. Leur présence dès le XIVe siècle
dans la région de l’Estuaire a été établie
ainsi que leur installation dans l’Ouest et le Centre du XVIIe au XIXe
siècle.Les groupes Benga et Séké ont atteint la côte
au XVIe siècle.Le groupe Kota a représenté un puissant
courant migratoire de direction générale nord-sud du XVIIIe
au XIXe siècle.
Le groupe Fang a fourni l’une des dernières migrations intéressant
le Gabon mais aussi la plus importante. Ses membres ont pénétré
au Gabon vers la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle
en provenance du Cameroun et du nord du Congo.
+ migrations en provenance du sud :
L’ensemble de ces groupes est beaucoup moins important à la
fois en nombre et en expansion :
Les Téké, les Nzébi sont venus du Congo.
Les Vili viendraient des environs de Pointe Noire, au Congo et constitueraient
un courant migratoire assez ancien : XVIIe et XVIIIe.
Les Loumbou, de provenance plus récente, seraient originaires
également de la région de Pointe Noire.
Les Pounou, enfin, seraient venus du Sud à une époque
relativement proche.
On attribue généralement ces déplacements
de populations à la décadence des royaumes congolais, due
à des guerres de succession, aux contacts avec les Européens,
à l’introduction du christianisme au XVIe siècle ainsi qu’aux
ravages de la traite du XVIIe au XIXe siècle. Mais il faut aussi
songer à la poussée islamique du Nord qui a refoulé
un certain nombre de peuples vers le sud, à l’intervention européenne,
à l’époque de l’esclavage, qui a multiplé les heurts
entre groupes et en a forcé certains à fuir, puis en dernier
lieu, à l’installation du pouvoir colonial (fin du XIXe, début
du XXe siècle ) qui a provoqué résistances et refoulements
avant de contribuer à une certaine stabilisation des peuples, notamment
par la création des frontières du pays.
2.2. Les Européens et le Gabon.
Les premiers voyageurs à aborder au Gabon ont été,
en 1473, les navigateurs portugais qui ont tenté, sans grand succès,
d’installer des missions afin d’évangéliser les populations
et de fonder des comptoirs commerciaux. A partir du milieu du XVIe siècle,
avec l’arrivée d’autres Européens (Espagnols, Hollandais,
Anglais et Français), la pénétration se stabilise.
C’est alors que s’instaure la traite des esclaves. Pendant trois siècles,
le pays sera touché par ce fléau, même s’il paraît
avoir été moins durement frappé que d’autres contrées,
en raison de sa forêt quasi-infranchissable.
Le Gabon moderne prend naissance en fait à
l’abolition de la traite en 1839, à la suite d’un accord passé
entre un chef côtier, le roi Denis et un officier de marine français,
Bouët-Villaumez, le 18 mars 1839. Ce traité d’alliance place
le roi sous la protection de la France et cède à celle-ci
une partie de la Pointe Denis. Le 18 mars 1842, la signature d’un autre
traité entre le roi Louis et Bouët-Willaumez permet à
la France de prendre pied sur l’emplacement de ce qui deviendra l’embryon
de Libreville. Puis, par de nouveaux traités en 1843 et 1846, les
Français étendent leurs possessions. C’est à partir
de la côte que missionnaires catholiques ou protestants ainsi qu’explorateurs
français (en particulier Savorgnan de Brazza, dès 1879) sillonneront
le pays qui, de proche en proche, passera sous contrôle français
puis sera déclaré en 1886 colonie française.
Après une brève fusion avec la colonie du Congo (1888-1904),
le Gabon reconquiert son autonomie administrative mais se trouve placé
dans le cadre de l’A.E.F (Afrique Equatoriale Française), fondée
en 1911 et administrée par un Gouverneur Général installé
à Brazzaville au Congo.
L’implantation du français au Gabon
présente deux caractéristiques principales: elle est de date
récente et résulte d’une action délibérée
du colonisateur. Le premier véhicule de la langue française
est d’abord l’armée de conquête et les religieux, puis l’administration
locale du territoire et les colons eux-mêmes.
Les premières structures éducatives
sont d’abord religieuses (souvent en langues locales) mais bientôt
la création d’écoles publiques répond à une
nécessité née de l’administration elle-même
: former sur place des agents subalternes qu’il serait trop coûteux
de faire venir de métropole. Les déclarations officielles
de cette période sont d’ailleurs très claires : Le but
de l’enseignement en A.E.F. [.] est de former des collaborateurs indigènes
dont nous avons besoin dans l’œuvre administrative et dans l’œuvre de colonisation,
dont la direction seule incombe aux Européens (Antonetti, 1928
: 96-105). Les instituteurs, venus de France, n’exerçent leurs fonctions
que dans les écoles urbaines et régionales, assistés
d’instituteurs indigènes issus de l’Ecole Normale. Les structures
de l’école publique sont mises en place en 1883, conformément
à l’arrêté du 24 novembre repris par la circulaire
du 8 mai 1925 réorganisant l’enseignement en A.E.F. La Conférence
de Brazzaville, en février 1944, stipule : tout enfant entrant
dans une école d’A.O.F., d’A.E.F., du Togo ou du Cameroun, en quelque
lieu et à quelque niveau que ce fût, [est] censé n’y
entendre et n’y employer aucune autre langue que celle de la métropole
. (citée in Manessy, 1994 : 24).
Comme toute l’A.E.F, en 1940, le Gabon embrasse
la cause de la France Libre. En 1949, l’enseignement primaire en français
y devient obligatoire conformément au principe établi à
la Conférence de Brazzaville de 1944. Cependant, cet enseignement
se fait généralement par le canal de moniteurs médiocrement
formés et les quelques connaissances acquises par les enfants sont
souvent perdues dès l’arrêt de la scolarisation.
La loi-cadre du 23 juin 1956 voit aboutir les aspirations
du pays à l’autonomie. La République Gabonaise est proclamée
le 28 novembre 1958 et le Gabon, dans ses frontières actuelles,
devient indépendant le 17 août 1960.
Après l'Indépendance, la suppression
du français ou l’introduction dans l’enseignement d’une ou de plusieurs
langues locales ne paraît nullement envisageable, car le gouvernement
(comme c’est le cas dans la plupart des anciennes colonies d’Afrique) voit
dans le maintien de la langue française un facteur d’unité
et de centralisation politique face aux conflits potentiels que pourrait
faire naître une rivalité entre les nombreuses langues du
pays.
2.3. Situation démographique
2.3.1. Un espace globalement sous-peuplé.
Le quatrième Recensement Général de la Population
et de l’Habitat (= R.G.P.H) de 1993, (le dernier en date effectué),
fait état, au 1/06/1993, d’une population de 1.014.976 habitants.
La densité est de 3,8 hab./km2 (R.G.P.H, 1993 : 2).
Les caractéristiques essentielles du peuplement sont les suivantes
:
a- un dynamisme démographique relativement
faible. Le taux de natalité est bas (pour un pays africain) : 35
pour mille pendant la période 1960-1990, alors que la moyenne de
l’Afrique Centrale était, pour la même période, de
44 pour mille. L’hypofécondité est certes relative (période
1985-90 : 4,48 enfants par femme en âge de procréer contre
6 pour l’Afrique Centrale) car l’infécondité a beaucoup baissé
en l’espace d’une génération (RGPH, 1993 : 55). De plus,
le taux de mortalité a diminué de moitié durant ces
mêmes années 1985-1990. Le taux d’accroissement naturel est
cependant modeste quoiqu’en augmentation : 2,5% (contre 2% en 1985-90).
Quoi qu’il en soit, la population a plus que doublé en 33 ans (RGPH,
1993 : 3).
b- une population jeune : 41% des effectifs ont
moins de 15 ans.
c- un peuplement très inégalement
réparti. Les campagnes (1 habitant/km2) semblent progressivement
se vider au profit des centres urbains qui englobent 73% de la population
totale. (RGPH, 1993 : 3). Cette caractéristique paraît devoir
s’accentuer. Les villes, cependant, restent encore de dimensions réduites.
Ainsi Libreville ne compte que 419.596 habitants et Port-Gentil : 79.225,
pour ne citer que les principales métropoles. (Ibid. : 3).
d- ce relatif sous-peuplement a des causes multiples.
Historiques : la traite des Noirs qui a saigné le pays, les hostilités
entre tribus, les famines des années 1917-1920, les deux guerres
mondiales. Il a aussi des causes géographiques : la grande forêt
équatoriale et son climat peu favorable à l’homme. Certaines
causes sont en outre médicales, malgré les progrès
de la médecine et les différents traitements existants :
paludisme, fièvre jaune, maladie du sommeil, alcoolisme, sida, ...
2.3.2. la population
La description de la situation démographique est cependant relativement
complexe. On doit d’abord distinguer entre autochtones et étrangers.
2.3.2.1.- La population autochtone.
Très schématiquement, on peut classer la population autochtone
dans deux grands groupes : les Pygmées et les Bantous.
Les Pygmées.
Ce sont les occupants les plus anciens du territoire
et ils sont éparpillés sur l’ensemble du pays. Au nombre
de 3.320 environ, ils représentent moins de 1% de la population.
Selon l’ethnie qui est dans leur voisinage, ils reçoivent une dénomination
différente : ainsi au nord, les Fang les appellent Baka/Bekwig/Bibaya,
dans l’Ivindo, les Bakota les nomment Bakola, dans le centre et l’est,
les Okandé et les Téké, Akowa ou Babougou. Leur langue,
le Baka est le seul parler non-bantou usité au Gabon. (Moussirou-Mouyama/de
Samie, 1996 : 604).
Les Bantous.
Les filiations sont parfois difficiles à appréhender
car les groupes ethniques sont classés soit selon des appartenances
linguistiques, soit selon leurs apparentements, soit encore selon leurs
provenances géographiques. Les avis des exégètes divergent
souvent et les noms des ethnies varient suivant qu’un groupe parle de lui-même
ou que ce sont les autres qui le désignent, chacun dans sa langue.
Le bilan gabonais le plus complet en notre possession est d’ordre linguistique.
Il recense une cinquantaine de langues, toutes d’origine Niger-Congo, réparties
dans une dizaine de sous-groupes linguistiques en raison de leur parentés
structurelles. (Jacquot, 1978, Kwenzi Mikala, 1987). En effet, il faut
préciser que plusieurs groupes ethniques emploient souvent la même
langue ou des dialectes de la même langue ou des langues très
étroitement apparentées. Pour illustrer cette situation,
on citera le cas des Miéné de la côte, regroupement
linguistique assez récent qui comprend les Mpongwé de Libreville,
les Oroungou de Port-Gentil, les Galoa de Lambaréné, les
Nkomi de la lagune Fernan-Vaz et deux petites ethnies du Bas et du Moyen-Ogooué,
les Adjoumba et les Enenga. Dans cet exemple, il y a intercompréhension
entre les locuteurs de ces groupes. Mais cela peut ne pas être le
cas : ainsi le groupe Fang compte 6 composantes dialectales très
différenciées et sans intercompréhension générale
: fang, nzamane, meke, mvai, ntoumou, et okak .
La carte ci-contre (carte n°2 : ethnies) ne rend
pas compte de l’importance démographique constrastive réelle
des diverses ethnies, c’est pourquoi le tableau ci-dessous donne quelques
informations sur la représentativité de chaque grand groupe
ethnolinguistique (ce qui permet de mieux appréhender la situation
linguistique générale du Gabon).
Carte n°2 : Ethnies
GROUPES ETHNIQUES
|
DÉMOGRAPHIE
|
Fang
|
258 601
|
Shira-Pounou
|
241 954
|
Nzabi-Douma
|
113 656
|
Mbédé-Téké
|
82 890
|
Kota-Kélé
|
71 351
|
Miéné
|
48 767
|
Okandé-Tsogho
|
32 793
|
Pygmées
|
3 534
|
Naturalisés
|
3 239
|
Total des Gabonais
|
856 785
|
Etrangers
|
153 490
|
TOTAL
|
1 010 275
|
Sources : RGPH, 1993 : 19
On voit donc ainsi la différence
d’importance entre les langues quant au nombre des sujets parlants qui
va de plusieurs dizaines de milliers à quelques dizaines sans qu’aucune
soit parlée par la majorité de la population. (Jacquot,
1978 : 493-503).
Enfin, pour compléter l’approche de la situation
ethno-linguistique, il faut préciser que le Woleu-Ntem est la seule
province du pays quasiment mono-ethnique, tandis que, dans toutes les autres
provinces (à l’exception de l’Estuaire plus urbanisé et donc
plus composite), la presque totalité de la population se regroupe
en seulement deux grands groupes ethniques dont le parler peut avoir de
ce fait une certaine fonction véhiculaire provinciale.
2.3.2.2. Les étrangers sont relativement nombreux :
Ils constituent 15,2% de la population (RGPH, 1993 : 2), même si
leur nombre a sensiblement diminué ces dernières années.
En effet, la richesse des années 1970 avait attiré en grand
nombre des travailleurs (surtout des hommes) des pays voisins : Guinée
Equatoriale, Congo, Nigeria, Cameroun, Mali, Bénin, Niger, entre
autres. Ces migrants ont investi les petits métiers (artisanat,
commerce de détail, taxi, personnel de maison...). Ils sont particulièrement
présents dans les deux villes les plus importantes mais on les rencontre
également dans les mines du Haut Ogooué et les exploitations
agricoles du Woleu Ntem. Ce sont surtout, actuellement et par ordre d’importance
dégressive, des Equato-Guinéens, des Maliens, des Béninois
et des Camerounais. Depuis la crise, cependant, la présence de cette
population n’a pas manqué de susciter des réactions de rejet
de la part de certains Gabonais confrontés au chômage. C’est
ainsi qu’en 1992, selon les services du Ministère de la Défense
nationale, ce sont plus de 10 000 Nigérians, sans-papiers et volontaires,
qui ont dû quitter le pays. La réduction amorcée semble
s’être porusuivie du fait de la dévaluation du franc CFA et
des problèmes socio-économiques qu’a vécu le pays.
L’amélioration actuelle est trop récente pour qu’on en saisisse
l’impact sur l’immigration. Quant aux étrangers
non-Africains, ils n’ont jamais été fort nombreux, à
l’exception des Français, les anciens colonisateurs. Or, si l’on
en croit le RGPH de 1993, ces derniers sont en constante diminution : 5
945 personnes (RGPH, 1993 : 19). Les autres étrangers non-Africains
ne sont, selon ces mêmes estimations, que 1.648. Enfin, les Libanais,
immigrés de fraîche date et occupant le secteur commercial
comme presque partout en Afrique Centrale, sont au nombre de 953 en 1993,
contre 20 une trentaine d’années auparavant.
2.4. Situation sociolinguistique.
2.4.1. Les langues ethniques gabonaises : des langues sans statut
officiel.
Aucune des langues africaines locales n’a reçu à ce jour
de statut officiel bien qu’elles soient utilisées dans certains
secteurs de la vie publique (radio, cultes africains, rites populaires,
certaines manifestations de la culture autochtone par exemple). C’est parce
que l’existence et la liberté d’emploi des langues vernaculaires
sont reconnues, mais [qu’] aucune d’entre elles ne reçoit officiellement
de fonction autre que celle que lui donne la tradition. ( Jacquot,
1978, cité par Moussirou-Mouyama et de Samie, 1996 : 610). En fait,
celles-ci sont cantonnées à la périphérie
de l’activité nationale et n’interviennent pas comme langues de
communication institutionnalisée. Elles ne présentent aucun
intérêt pour le citoyen dans l’activité nationale.
(Mba-Nkoghe cité par Moussirou-Mouyama et De Samie, 1996 : 609).
Une langue locale n’est donc que le véhicule d’un certain patrimoine
culturel, celui de l’identité du groupe ethnique. Certes, au niveau
provincial, on l’a vu supra, quelques langues locales semblent posséder
un rôle véhiculaire partiel, mais il convient de rester prudent
pour les évaluations dans la mesure où aucune étude
précise n’a été réalisée sur l’utilisation
réelle des langues gabonaises et où les seuls chiffres connus
sont ceux de l’appartenance ethnique déclarée par les enquêtés
lors du RGPH de juillet 1993. Un organisme, le Ciciba
(Centre International de Civilisation Bantu), participe à des études
sur les langues bantoues. Mais, le soutien institutionnel aux langues
locales notamment par le développement des études linguistiques
et la reconnaissance officielle des langues du Gabon , jugé
nécessaire par Moussirou-Mouyama (1990 : 435), ne paraît pas
faire partie des priorités gouvernementales immédiates. Au
contraire, il semble que les autorités gabonaises aient, selon la
typologie de Houis, une attitude techniciste renforçant le français
comme instrument linguistique déjà connu localement et véhicule
d’une sémantique visant une civilisation universelle. (Houis/
Bole-Richard, 1977 : 36). La Fondation Raponda-Walker,
née le 30 juillet 1993, œuvre pour l’introduction des langues locales,
véritable question de survie selon Guérineau, (
Rapidolangue, 1995 : 3). Ce dernier, Vice-Président de la Fondation,
tient à préciser : Le travail que nous fournissons aujourd’hui
fait appel aux connaissances linguistiques connues, mais compte-tenu des
personnes ciblées - les élèves du secondaire - il
n’était pas possible de leur mettre entre les mains un manuel qui
aurait pour base l’alphabet scientifique tel qu’il a été
défini par M. Guthrie in « The Bantu Languages of Western
Equatorial Africa » [.] repris par A. Jacquot in « Inventaire
des études linguistiques sur les pays d’Afrique Noire d’expression
française et sur Madagascar »[.] et adopté par l’UNESCO.
Par ailleurs, avec la collaboration des experts de Lyon 2 et de l’Université
libre de Bruxelles (U.L.B.), les chercheurs du Laboratoire Universitaire
de la Tradition Orale (LUTO) de l’Université Omar Bongo de Libreville
ont établi, en 1989, l’Alphabet Scientifique des Langues du Gabon
(ASLG). Nous l’estimons, lui aussi, trop scientifique pour être proposé
avec profit, à de jeunes élèves. On voudra donc bien
nous pardonner la simplification de l’écriture de ces langues
orales afin de les rendre abordables à de jeunes locuteurs car le
but visé est qu’elles redeviennent des langues orales que l’on ait
plaisir à parler autour de soi. [.]. Nous pensons ainsi pouvoir
participer à l’effort d’unité nationale dans la richesse
et la variété de toutes nos cultures . [.] (souligné
par nous, Ibid. : 3-4).
2.4.2. Le français : « status » et « corpus
»
Face donc à des langues gabonaises sans statut,
le français jouit d’une position privilégiée puisqu’il
est de jure la langue officielle.
A - bilan global. En 1991, Queffelec (in Chaudenson,
1991 : 87-110) traçant un bilan de la situation contrastive du français
dans plusieurs états d’Afrique centrale (Cameroun, RCA, Congo, Gabon,
Rwanda et Tchad) afin de décrire les spécificités
congolaises, s’appuie sur la grille d’analyse des situations linguistiques,
élaborée puis remaniée par Chaudenson (1988-1989).
Il établit ainsi, en ce qui concerne la situation gabonaise, le
« status » (statut et fonction) du français ainsi que
le « corpus » (mode, condition d’appropriation et d’usage de
la compétence linguistique). Une représentation graphique
globale fait apparaître que le français possède au
Gabon une place institutionnelle plus grande que ne l’est son usage effectif,
même si l’écart observé est le plus réduit de
tous les états considérés.
Représentation graphique contrastive
B - « Status » . Le tableau ci-dessous (Ibid.)
détaille clairement les données quantitatives concernant
le « status » qui montre pour le Gabon les résultats
les plus élevés de la zone concernée.(Queffelec, in
Chaudenson, 1991 : 87-110).
STATUS
|
CAM.
|
CENTR.
|
CONGO
|
GABON
|
TCHAD
|
ZAÏRE
|
Total
possible
|
Officialité
|
6
|
8
|
8
|
12
|
6
|
8
|
12
|
Usages institutionnalisés
Textes officiels :
Textes administr.
nationaux :
Justice
Admin. locale
Religion
|
2
2
2
2
1
|
4
4
3
2
1
|
4
4
4
3
2
|
4
4
4
3
1
|
3
3
2
1
0
|
4
3
2
2
0
|
4
4
4
4
4
|
Education
Primaire
Secondaire
Supérieur
|
7
7
7
|
8
10
10
|
10
10
10
|
10
10
10
|
5
7
8
|
6
8
10
|
10
10
10
|
Moyens de comm. de masse
Presse écrite
Radio
Télévision
Cinéma
Edition
|
4
3
0
4
4
|
4
3
4
4
2
|
5
3
4
4
3
|
5
4
5
4
3
|
3
3
0
2
1
|
5
3
4
4
4
|
5
5
5
5
5
|
Secteurs secondaires et tertiaires
|
15
|
20
|
20
|
20
|
14
|
12
|
20
|
Total
|
66
|
87
|
93
|
99
|
58
|
75
|
107
|
Pour résumer la situation, Moussirou-Mouyama/ De Samie (1996 : 608-609)
précisent : Il apparaît que le français est employé
comme langue exclusive :
- du pouvoir politique,
- du pouvoir financier et économique, dans les structures
de grande dimension,
- du pouvoir par l’écrit : système scolaire, presse
écrite, correspondance, relations dans l’entreprise ou entre administrations,
maîtrise de la technologie moderne.
[.] Quant aux langues locales, elles sont employées comme
langues exclusives de la tradition : cultes, rituels, culture populaire,
etc.
Dans tous les usages institutionnalisés,
les textes officiels et administratifs nationaux, la justice (où
un prévenu non francophone doit être assisté par un
interprète), le français a une importance plus ou moins similaire
à celle qu’il a dans un pays où il est langue maternelle
de la population. Seules, l’administration et la politique locales laissent
un petit rôle aux parlers gabonais.
Le domaine religieux, cependant, réserve
toujours une grande place aux langues du pays et cela depuis le début
même de la colonisation - cette position des missionnaires a été
dans le passé, source d’un certain nombre d’incompréhensions
et de critiques de la part des autorités coloniales - qu’il s’agisse
de l’enseignement de la religion ou de l’exercice du culte. Cependant,
si dans les établissements secondaires, le catéchisme est
dispensé en français, l’islam, lui, maintient l’enseignement
du Coran en arabe. Quant aux religions traditionnelles africaines, très
vivantes ici, elles sont évidemment liées à la tradition
de la langue ethnique. La politique éducative
menée au Gabon depuis l’indépendance a permis un développement
de ce secteur dont peu de pays africains peuvent se prévaloir. L’enseignement
se fait en langue française de l’école primaire à
l’enseignement supérieur et la démocratisation de cet enseignement
est très avancée et remarquable. En effet le RGPH de 1993
(p. 30) constate : Alors qu’en 1960, seulement 48% des résidents
âgés de 15-19 ans étaient d’un niveau scolaire égal
ou supérieur au primaire, en 1993, 95% de ceux-ci sont dans ce cas,
dont 50% d’un niveau égal ou supérieur au secondaire 1er
cycle. La différence entre sexes s’estompe avec 7% de sans instruction
pour les femmes contre 4 % pour les hommes au lieu des 48% et 19% en 1960.
[.] Près des trois-quarts des Gabonais ont reçu une instruction,
le reste est surtout constitué de personnes âgées de
50 ans et plus.
Le système éducatif gabonais est largement
inspiré du système français : enseignement préscolaire
(en milieu urbain exclusivement), école primaire qui, en principe,
dure six ans, enseignement secondaire général, divisé
en 2 cycles, enseignement technique court ou long, enseignement supérieur
(dispensé dans deux universités regroupant six facultés
: droit, sciences économiques, lettres/sciences humaines, médecine,
sciences et cinq grandes écoles), enfin enseignement normal chargé
de la formation des enseignants. Il s’effectue exclusivement en français.
L’accès à l’enseignement de base est, dans les faits, pratiquement
généralisé. La décentralisation de l’enseignement
secondaire, avec l’implantation d’un lycée au moins par province,
facilite encore ce développement. Les moyens de
communication de masse demeurent largement dominés par le français,
notamment la presse écrite et la télévision. Seules
certaines radios locales réservent quelques plages horaires à
l’information dans quelques-unes des langues locales mais la station la
plus connue, Africa n°1, a une visée internationale. L’introduction
d’une chaîne de télévision par satellite (TV Sat) ne
peut que renforcer cet impact du français dans les média,
accru par l’intérêt que présente l’accès aux
différents réseaux d’internet.
L’édition, comme nous l’avons vu, avec le
CICIBA et la Fondation Raponda-Walker, propose certaines publications dans
des langues du pays mais : La littérature écrite gabonaise
est de langue française [.]. La vitalité de la littérature
gabonaise, observable avec les dernières publications et l’engouement
récent pour le théâtre (en français également)
viennent ? à titre d’hypothèse - d’une certaine appropriation
de la langue française qui dit la difficulté d’écrire
et la nécessité de dire sans se trahir . (Moussirou-Mouyama/de
Samie, 1996 : 612).
Quant aux secteurs secondaires et tertiaires, liés
au commerce, à l’industrie, en particulier au domaine du pétrole,
de l’extraction minière, à l’exploitation du bois, mais aussi
au tourisme, ils sont surtout ouverts vers l’extérieur et offrent
des débouchés aux nationaux francophones les mieux scolarisés
et les plus diplômés.
En résumé, par son statut de langue
de communication institutionnalisée et par son caractère
de langue de communication individualisée, le français apparaît
comme la langue « gagne-pain » qui assure la survie de l’individu,
langue d’accès au bien-être social (réel ou supposé),
langue d’ouverture culturelle (accès à la lecture étrangère,
notamment française). (Mba-Nkoghe in Message n°5 : 20)
C - le « corpus » (Queffelec, in Chaudenson, 1991: 87-110).
CORPUS
|
CAM.
|
CENTR.
|
CONGO
|
GABON
|
TCHAD
|
ZAÏRE
|
Total possible
|
Appropriation linguistique
|
12
|
13
|
14
|
14
|
11
|
13
|
20
|
Véhicularisation
|
8
|
6
|
10
|
12
|
2
|
6
|
20
|
Types de compétences
|
5
|
3
|
12
|
10
|
3
|
5
|
20
|
Production et
Exposition langagières
|
4
5
|
3
4
|
4
6
|
4
6
|
2
1
|
3
4
|
10
10
|
Total
|
34
|
28
|
46
|
46
|
19
|
31
|
80
|
Compte-tenu des raisons primordiales déjà avancées
:
- scolarisation totale en français, pour la quasi-totalité
des jeunes générations,- urbanisation intense qui impose
pour l’intercommunication l’usage d’un véhiculaire adapté
à la modernité,- absence de langue gabonaise à rôle
véhiculaire national,
- présence d’un certain nombre d’étrangers, certes moins
nombreux mais souvent plus scolarisés qu’autrefois et plus ouverts
à l’utilisation d’une langue de grande communication comme le français
qu’à l’apprentissage d’une langue locale à diffusion restreinte,
- culte de la modernité et désir d’ouverture vers les
technologies les plus avancées, pour l’instant surtout accessibles
en français,
l’appropriation de la langue française par les Gabonais ne peut
qu’être très importante. Le français s’impose donc
en tant que langue véhiculaire au point que, comme le reconnaît
Mba-Nkoghe (le Message n°5 : 20) : Très souvent le français
est la langue de première acquisition pour certains enfants gabonais.
C’est d’ailleurs ce que soulignent de récentes enquêtes (Boucher,
1998, 1999, Boucher/ Lafage, 2000). Mais quel français
? En effet, il ne peut que se produire une certaine disparité dans
l’appropriation et la pratique de la langue française, tant entre
milieu urbain et milieu rural (pratique usuelle/usage occasionnel), qu’entre
différentes classes sociales (en fonction de facteurs comme la durée
et la qualité de la scolarisation, le niveau culturel atteint, la
durée d’urbanisation, l’emploi occupé, etc.). Or, l’école,
lieu principal de l’imprégnation normative, reçoit un certain
nombre de critiques. Les pouvoirs publics constatent des carences, comme
le montre cette remarque des autorités gabonaises lors du Sommet
francophone de Paris en 1986. Si le français, langue officielle,
langue de culture et langue véhiculaire permet l’intercompréhension
entre toutes les femmes et tous les hommes du Gabon qui comporte 48 idiomes
heureusement regroupés en sept groupes linguistiques, son usage,
son enseignement, selon des méthodes surannées et surtout
sa perception à travers les critères par trop littéraires
et non langagiers, posent des problèmes à notre système
éducatif . Les principaux problèmes relevés sont
la surcharge des effectifs, le manque de qualification des enseignants,
l’inadaptation des manuels et des techniques pédagogiques... Car
le rendement de cet enseignement si largement ouvert à tous reste
faible. En effet, bien que la scolarisation touche, à peu de chose
près, l’ensemble d’une classe d’âge, le pourcentage d’enfants
qui n’achèvent pas l’école primaire est trop élevé
(56%.). Au secondaire, la déperdition se poursuit. En juin 1992,
par exemple, 3 510 candidats ont passé l’épreuve du baccalauréat,
et 4 à 5% d’entre eux seulement ont eu accès à l’université.
(Richard/ Léonard, 1993 : 114). C’est pourquoi, dès 1991,
les autorités gabonaises ont-elles mis sur pied une réforme
de l’éducation donnant la priorité à l’enseignement
du premier degré et l’année scolaire 1997-1998 devait
voir le nombre des enseignants du primaire s’accroître avec l’arrivée
de 1200 instituteurs. (Cf. Regarder l’Afrique , juin 1997, n°16).
Grâce à un certain nombre de travaux (Couvert, 1984, Moussirou-Mouyama,
1984, 1990, Desbois/ Rapegno, 1994, Boucher, 1998, 1999, à paraître,
Italia, 2000, etc), il est en effet possible de distinguer une certaine
variation dans le continuum que constitue localement la possession du français.
Car c’est en fonction de leur localisation à l’intérieur
de ce continuum [.] et de l’ampleur de leur répertoire (Manessy/
Wald, 1984 : 16) que la compétence des divers groupes sociaux doit
être envisagée. Cependant, aucune enquête portant sur
un échantillon témoin statistiquement représentatif
de l’ensemble de la population n’a encore été tentée
afin de permettre de rendre compte de la réalité langagière.
C’est pourquoi, quelles que soient les critiques qui lui ont été
adressées par ailleurs (Chaudenson, 1989 : 11-12), l’enquête
de l’IRAF (Institut de Recherche sur l’Avenir du Français), étendue
à l’ensemble des pays d’Afrique francophone et s’appuyant sur la
démographie, notamment de l’institution scolaire, en 1980, fournit
quelques éléments de reflexion sur la francophonie africaine
en général et gabonaise en particulier, à partir d’une
répartition en six groupes de l’ensemble de la population d’un pays.
N0 : non scolarisés dont certains peuvent cependant être francophones,
N1: francophones (2 années d’enseignement primaire caractérisant
en principe une oralité simple, l’écoute et la compréhension
de la radio, la capacité de répondre à des questions
usuelles),
N2 : (enseignement primaire complet de bonne
qualité, donnant la capacité de lire un journal et de maitriser
une écriture simple),
N3 : (enseignement jusqu’à la fin de la 3ème,
permettant de lire des ouvrages simples et de comprendre un film en français),
N4 : (niveau baccalauréat qui assure la pratique
aisée d’un français correct et une certaine domination de
la langue utilisée),
N5 : (niveau des études supérieures).
Une telle enquête généralisée facilite une évaluation
constrastive du degré de francophonie des Etats de la zone. Les
résultats pour le Gabon, publiés par C. Couvert en 1984 et
exprimés en pourcentages de la population, placent, à cette
date, le Gabon à la tête des pays d’Afrique Centrale :
N0 : 209 068 =
36,88% (le chiffre le plus faible de l’ensemble des enquêtes africaines)
N1 : 183 373 =
32,35% (le chiffre le plus élevé de l’ensemble des enquêtes
africaines)
N2 : 131 807 =
23,25% (seconde position après le Congo)
N3 : 26 112 =
4,61% (id.)
N4 : 11 510 =
2,03% (id.)
N5 : 4 991 =
0,88% (id.)
effectifs des francophones : 566.861 personnes
soit 63,12% (1er rang pour l’Afrique Centrale).
Ces données sont certes vieillies mais le
RGPH de 1993, sans nous permettre de réaliser un tableau immédiatement
comparable, nous fournit quelques points de réflexion, d’une part
par rapport à l’enquête de l’IRAF de 1984, d’autre part par
rapport aux hypothèses (fortes ou faibles) d’évolution à
l’aube de l’an 2000 contenues dans l’ouvrage de l’IRAF.
Dans le tableau ci-dessous, on notera, à gauche
en italique, les chiffres par niveau fournis par l’hypothèse faible
(H.F) avancée par Couvert pour l’an 2000, à droite en gras,
les chiffres correspondants calculés par nous à partir des
données du RGPH de 1993.Ainsi, chiffres 1993 : Pour les 6 à
14 ans, il y a 90% de scolarisés.
Le tableau contrastif ci-dessous ne prend en compte que la population
âgée de 15 ans et plus
|
(H.F. : 2000)
|
RGPH : 1993
|
|
Effectif de 473 419 personnes
|
effectif de 594 389 personnes
|
N0 :
|
73 767 personnes soit 15,58 %
|
166 538 soit 28,01%
|
N1+ N2 :
|
N1=110 514 soit 23,34% et
N2=157 830 soit 33,34% |
183 143 soit 30,81%
|
N3 :
|
78 490 soit 16,58%
|
150 060 soit 25,24%.
|
N4 :
|
34 662 soit 7,32%
|
50 169 soit 08,44%.
|
N5 :
|
18 155 soit 3,84%
|
18 357 soit 03,08%
|
Les constatations sont les suivantes :
* diminution très importante des non-scolarisés, bien
que la baisse soit sensiblement moins forte que celle qui était
espérée dans l’hypothèse faible. On peut cependant
constater qu’en 1993 ces N0 ne sont nombreux que chez les plus de 40 ans.**
il n’est guère possible de comparer les scolarisés du primaire
(1984/ hypothèse faible 2000/ 1993) . En effet, le RGPH de 1993
ne donne de chiffres que pour les personnes ayant suivi le cycle primaire
sans établir de distinction entre ceux qui l’ont seulement entamé
(N1) et ceux qui l’ont terminé (N2). De surcroît, les pourcentages
ci-dessus indiqués ne prennent en compte que les 15 ans et plus,
âge évidemment supérieur à celui de la moyenne
des élèves du primaire.
*** Par contre, il y a eu, en une dizaine d’années, une très
nette avancée du niveau N3 (de 4,61 % à 25, 24%) et ce résultat
dépasse clairement ce qui était espéré par
l’hypothèse faible.
**** Les résultats, de même, sont très supérieurs
pour N4 : scolarisation atteignant le niveau baccalauréat (la représentativité
du groupe passe de 2,03% à 8,44%) alors que l’hypothèse faible
n’espérait que 7,32%.
***** Le progrès concernant les études supérieures
est incontestable. Pour N5, la représentativité du groupe
passe de 0,88% à 3,08%) et il n’est que de peu inférieur
à ce qu’espérait l’hypothèse faible (3,84%).
Il est donc permis de penser que, non seulement le nombre global de
francophones gabonais s’est accru mais que la qualité moyenne de
leur utilisation de la langue s’est améliorée, malgré
les carences éducatives constatées.
D ? Conclusions.
Certes, ces données, essentiellement démographiques,
n’ont pas grande valeur linguistique mais, du point de vue sociolinguistique,
elles permettent d’envisager l’existence d’au moins trois grandes catégories
d’utilisateurs de français :
+ D’une part, un groupe, de plus en plus restreint et de plus en plus
âgé, de francophones analphabètes, ayant appris le
français « sur le tas » , ou très peu scolarisés
et disposant d’un « petit français » approximatif et
instable, dont le stéréotype est partiellement illustré
par certains pastiches comme la rubrique « Makaya » du journal
L’Union
. Cependant des travaux très récents (Italia, 2000) portant
sur l’expression française d’analphabètes fang, de la région
d’Oyem, donc en contexte ethnique quasi monolingue, relativement âgés,
montre que ceux-ci utilisent un français relativement aisé,
de type mésolectal, ce qui tendrait à prouver que le modèle
acquis par la seule pratique conversationnelle environnante en français
est de bien meilleure qualité, du point de vue lexique et morpho-syntaxe,
que celui que l’on pourrait rencontrer chez la majorité des analphabètes
francophones d’autres pays africains. (cf. par exemple Ploog, 1999, Prignitz,
2000).+ D’autre part, une majorité de scolarisés moyens utilisant
prioritairement un français mésolectal, régionalement
assez marqué (dans sa prononciation, sa prosodie, son lexique et
sa syntaxe) mais également éventuellement susceptibles dans
certaines situations de recourir à quelques formes de français
basilectal plus ou moins stéréotypées.+ Enfin, le
groupe des intellectuels, diplomés de l’enseignement supérieur,
ayant, souvent, vécu assez longuement en France et capables d’utiliser
une variété de français très peu différente
de celle de leurs homologues de l’hexagone, même si, en situation
informelle, dans leur pays, il leur arrive fréquemment d’utiliser
la variété mésolectale locale, voire, si nécessaire,
un stéréotype de français basilectal. (Ntsaga-Oyouni,
1998).
3. L’INVENTAIRE DES PARTICULARITES LEXICALES DU FRANCAIS AU GABON
3.1. Historique du projet.
De 1972 à 1983, sous l’égide de l‘AUPELF
(Association des Universités entièrement ou partiellement
de langue française, devenue par la suite AUPELF-UREF = Université
des Réseaux d’Expression Francophone puis, actuellement, Agence
Universitaire de la Francophonie), un vaste programme de recherches lexicales
a été mené à travers un certain nombre de pays
francophones d’Afrique noire. Il a abouti d’abord en 1983 puis en 1987
à la publication d’un gros ouvrage : Inventaire des particularités
lexicales du Français en Afrique Noire (IFA). Malheureusement,
le Gabon n’a pas participé à cette recherche. C’est pour
pallier cette absence, que quelques étudiants, français et
gabonais se sont lancés dans cette quête, pour leurs mémoires
de maîtrise ou de DEA : Claudettte Boutin-Dousset (1990), Caroline
Thibaudier (1991), Maria Alves (1994), Marie Artigues, (1995), Karine Boucher
(1996, 1997), Sandrine Ntsaga-Oyouni (1998), Diane Bagouendi-Bagère
(1999), Magali Italia (2000) afin de participer à la deuxième
étape du projet IFA 2000 qui prévoyait une reprise des travaux
à visée plus diachronique et complémentaire, la nouvelle
étape des recherches, d’une part, devant doter chaque pays d’un
inventaire de particularités lexicales qui lui soit propre, et d’autre
part, devant regrouper dans un ouvrage collectif les données africaines
revues, corrigées et complétées dans l’espoir de couvrir
l’ensemble des pays africains dits francophones. C’est pour tenter de répondre
à ces objectifs, du moins en partie, que le projet IFGAB a pris
naissance et qu’une équipe s’est constituée autour de Suzanne
Lafage, dans le cadre du Centre d’Etudes Francophones de l’Université
de Paris III-Sorbonne Nouvelle et du Réseau des Observatoires du
Français Contemporain en Afrique (Institut national de la langue
Française, UPRESA 6039 - Nice), en liaison avec l’Université
et l’Ecole Normale Supérieure de Libreville où des missions
ont été effectuées par certains étudiants.
Le présent inventaire doit donc être considéré
comme une simple étape (la première) de l’élaboration
d’une banque de données gabonaises lexicales à visée
diachronique, qui devra être poursuivie, complétée
et corrigée pour une éventuelle mise sur CD Rom.
3.2. Les objectifs.
3.2.1. Participer à l’IFA 2000.
Le premier objectif, nous l’avons vu, est de combler un manque par rapport
à la plupart des pays africains francophones ayant participé
à l’IFA. Il s’agit donc de procéder aux recherches menées
concernant le lexique français utilisé au Gabon, tel qu’il
est usité par les Gabonais mais aussi par des non-Gabonais lorsque
ceux-ci parlent du Gabon. Il est, en effet, pour les uns comme pour les
autres, indispensable, par exemple pour décrire certaines réalités
historiques, culturelles, scientifiques ou administratives du pays, d’employer
des mots locaux, que ce soient des emprunts aux langues gabonaises ou des
néologismes français. C’est ce qui expliquera la présence,
dans notre bibliographie des ouvrages dépouillés, de livres
ou d’articles spécifiques (tourisme, ethnologie, médecine,
littérature, etc..) ayant trait au pays et dont les auteurs sont
des étrangers. Mais il s’agit de bien plus que cela.
3.2.2. Une optique différentielle.
L’objectif majeur du présent ouvrage est de faire un état
des lieux, une sorte de portrait du lexique français adapté
au Gabon, en son état actuel (l’enquête couvre essentiellement
la période qui a suivi l’Indépendance du pays, même
si elle embrasse quelques lexies antérieures qui ont survécu,
notamment dans certaines oeuvres littéraires). La perspective est
différentielle. Ne sont répertoriés que les usages
lexicaux locaux qui sont absents du français de référence
ou qui présentent des divergences par rapport à lui. Et c’est
là que réside la première difficulté. Car
le corpus lexicographique différentiel idéal devrait être
celui qui résulterait d’une analyse contrastive entre tous les topolectes
de la langue française, extensive à tous les domaines couverts
par le lexique et exhaustive à l’intérieur de chacun de ceux-ci.
(Lafage, 1997 : 88). Une telle aspiration relève encore de l’irréalisable.
On s’est donc contenté ici d’oeuvrer au mieux des possibilités
: l’inventaire gabonais a été élaboré grâce
à la confrontation du lexique français du Gabon et de son
équivalent en usage dans l’hexagone, tel qu’il est présenté
dans les ouvrages descriptifs spécialisés (grammaires certes
mais aussi dictionnaires de toutes sortes : de langue, du sport, du français
non conventionnel, de spécialité, etc...) mais aussi tel
qu’il est attesté dans le quotidien des locuteurs de l’hexagone
dont les différentes usances sociolinguistiques serviront également
de références aux réalisations gabonaises équivalentes.
(cf. Boucher, sous presse).
3.2.3. Une visée descriptive
et non-normative.
On le comprend déjà, il ne saurait donc être question
ici d’une nomenclature à visée normative. L’inventaire est
purement descriptif. Il ne s’agit aucunement de déterminer ce qui
dans le lexique français du Gabon devra être considéré
comme de bon aloi ou ce qui devra être rejeté comme «
faute ». La référence choisie est celle que constitue
pour une réalisation gabonaise déterminée, la réalisation
habituelle hexagonale de même niveau qu’il s’agisse du domaine du
discours formel, littéraire, scientifique, surveillé ou au
contraire de l’usage oral quotidien, familier, argotique ou relâché.
Le but n’est absolument pas de jeter l’opprobe sur d’éventuels solécismes
ni d’en constituer un recueil pour suggérer une quelconque réhabilitation
à des fins pédagogiques. Pour chaque entrée de l’inventaire,
un ensemble d’informations sera porté à la connaissance du
lecteur et indiquera par des notations sociolinguistiques appropriées
(cf. microstructure) les observations effectuées concernant l’usage
local qui en est fait. En effet, seules les autorités gabonaises
compétentes sont qualifiées pour décider ultérieurement
si d’éventuelles exploitations didactiques pourront être tirées
des informations fournies. La première exigence de la démarche
méthodologique choisie est plutôt de réconcilier dans
l’IFGAB à la fois les exigences légitimes des locuteurs
nationaux moyens (c’est-à-dire, du moins en partie, leur imaginaire
linguistique, ce qu’ils croient faire ) et les exigences de l’approche
scientifique (c’est-à-dire la prise en compte des véritables
réalisations linguistiques, ce qu’ils font ». (Lafage,
1997 : 87), sans porter aucun jugement de valeur.
3.2.4. Enquête étendue à
tous les Gabonais francophones...
La visée exclusive de la collecte n’est donc pas seulement la langue
générale que l’on définit traditionnellement comme
l’usage linguistique des gens ayant atteint un certain niveau de scolarité
(niveau de formation universitaire) . (Mel’Cuk/ Clas/ Polguère,
1995 : 43). L’informateur-locuteur francophone gabonais « moyen »
ne sera pas forcément choisi en tant que instituteur/ professeur,
journaliste, avocat, médecin ou tout autre représentant d’une
profession intellectuelle. (Ibid.). Car, dans un pays certes francophone
mais dans lequel ces diplomés de l’enseignement supérieur
ne constituent encore qu’une petite minorité, cela signifierait
laisser de côté certaines catégories socio-professionnelles
fondamentales pour l’économie du pays (petits commerçants,
planteurs, employés des secteurs techniques ou industriels, prestataires
de service du secteur tertiaire, etc. ), détentrices également
d’un rôle spécifique dans l’appropriation et la démocratisation
locales du français.
3.2.5. à toutes les formes de communication,
à tous les domaines et tous les registres.
De même, le français ayant une fonction avérée
de véhiculaire, l’enquête est étendue de façon
extensive non seulement à tous les locuteurs potentiels mais aussi
à tous les modes de communication (de l’écrit littéraire,
para-littéraire ou technique, à la presse, à la bande
dessinée, aux pastiches, voire au web, en passant par l’oralité
formelle : théâtre, conférences, média variés,...ou
à l’oralité informelle : conversations diverses, entretiens
radiodiffusés...). Tous les domaines sont également concernés
: de l’agriculture à l’industrie, de l’aquaculture à la foresterie,
de la cuisine à la santé, de la vie traditionnelle aux activités
urbaines les plus contemporaines, de la justice à la délinquance.
Tous les registres sont également scrutés car il semble bien
qu’on ne saurait réduire arbitrairement la réalité
langagière aux seules manifestations de bon aloi ni prétendre
qu’un locuteur francophone se limite toujours au bon français de
l’école dans les échanges quotidiens avec ses compatriotes.
(Lafage, 1997 : 89).
3.2.6. Une perspective polylectale.
Dans un contexte de mondialisation et d’urbanisation accélérées,
il semble bien que l’oralité de la langue véhiculaire s’apprenne
surtout par contact direct dans la rue dans des conditions sociolinguistiques
partout isomorphes sinon similaires. C’est notamment le cas de certains
parlers à fonction identitaire comme les argots urbains chez les
jeunes. Bien des ressemblances contextuelles pourraient actuellement être
établies entre le verlan des banlieues hexagonales, le nouchi ou
le zouglou d’Abidjan, le parler des Cool-Mondjers gabonais... Or nous ne
disposons pas de suffisamment d’informations sur ces modes langagières,
notamment sous l’angle diachronique, puisqu’il s’agit ici d’un premier
inventaire et que donc nous ne pouvons avoir le recul que fournissent aux
autres pays africains ayant participé à l’IFA, les vingt
années d’obervation et d’analyse qui viennent de s’écouler.
Ces parlers seront-ils véritablement éphémères
? Ne laisseront-ils aucune trace ? Des données essentielles nous
font défaut : date d’apparition ou de disparition d’une lexie, modification
de son sens ou de son registre, passage d’un terme de l’oralité
familière à l’écriture, continuité d’une présence,
effacement suivi de renaissance, etc. Aussi, il nous a paru préférable
d’ouvrir assez largement le corpus et la sélection des données
dans l’espoir que d’autres études suivront et qu’elles trouveront
dans la banque de l’IFGAB un maximum de renseignements utiles pour la réflexion
des chercheurs concernant l’évolution du lexique. C’est là
la principale raison pour laquelle le corpus lexicographique de base de
cet inventaire de « prenière main » se veut polylectal
au sens de Berrendonner/ Le Guern/ Puech (1983 : 23) : Est pertinent
non pas ce qui est a priori jugé correct mais tout ce qui est attesté
. Ainsi, par exemple, des lexies récurrentes se rencontrent dans
la rubrique « Makaya » du journal L’Union qui constitue
un pastiche approximatif du « petit français » supposé
usité par des « broussards » âgés, peu
ou non scolarisés. Ce stéréotype rejoint celui qui,
dans les pièces de théâtre ou les romans, est mis dans
la bouche de personnages représentant le même groupe social.
A tout moment et à titre plaisant, des lexies ou des expressions
de ce type peuvent apparaître sous la plume d’un journaliste, dans
la conversation d’un intellectuel comme dans celle d’un petit loubard.
Faut-il les écarter alors que, par exemple, des dictionnaires de
langue française comme le Petit Robert ouvrent leurs pages
à certains mots de verlan passés dans l’usage courant français
comme « ripou » (1991) ? Nous avons donc cru préférable
de viser pour notre collecte le lexique linguistique local, hétérogène
certes et plus largement ouvert que le lexique dictionnairique de
la langue française, restreint et idéalisé, tel qu’il
apparaît dans les ouvrages de référence habituels.
(cf. la distinction établie par Corbin, 1987 : 44). Il ne faut cependant
pas perdre de vue que le traitement différentiel écrème
la totalité de la langue, faisant disparaître les convergences
complètes entre le topolecte étudié et le français
commun de référence (ce qui, en quelque sorte constitue ’la
partie immergée de l’iceberg’) alors que sont mises en évidence
les quelques divergences rencontrées dans le lexique. (Lafage,
1997 : 98). Il ne sera donc pas surprenant que l’IFGAB, résultant
de cette démarche, puisse présenter une certaine incohérence
apparente car, malgré un traitement lexicographique systématiquement
identique des particularités lexicales gabonaises, il rassemble
et rapproche des données de tous types, de tous registres, de toutes
usances. Mais l’information collectée ne peut être interprétée
que placée sous l’éclairage de ce qui constitue sa véritable
raison d’exister comme nous l’avons dit supra : le portrait de l’ensemble
du lexique du français local d’une période donnée,
portrait dont la réalisation, l’extension et la poursuite devrait
aboutir au témoignage de l’africanité (ici de la «
gabonité ») d’un enrichissement de la langue française.
3.3. Les particularités lexicales.
3.3.1. De quelques généralités.
Un particularisme lexical pourrait ici être grossièrement
défini comme un trait lexical divergent entre le lexique d’un topolecte
: le français du Gabon, comparé au lexique du français
de France servant de référence, sur la base de l’analyse
de réalisations rapprochables dans l’intention sémantique,
le contexte situationnel, le registre utilisé, etc. Il peut également
s’agir, dans l’une des variétés, de l’absence d’un mot usuel
ou d’une expression fréquente dans l’autre, d’une modification (dans
le sens, la forme, l’emploi, la prononciation, l’orthographe, etc...) d’un
même terme, de l’apparition d’un néologisme. Cependant, avant
d’aborder la description typologique systématique des particularités
rencontrées, il convient de préciser plusieurs éléments
importants. D’une part, l’IFGAB ne contiendra pas que
des particularités exclusivement gabonaises. Comme l’IFA l’a déjà
montré, pour diverses raisons historiques, il existe un certain
nombre de convergences lexicales non seulement entre le français
des divers pays africains (« français en Afrique »)
mais aussi entre l’ensemble des pays qui ont été colonisés
par la France (« français des colons »).
D’autre part, bien que la présentation dictionnairique
de l’IFGAB puisse donner l’impression qu’il existe un grand nombre de particularismes,
il faut cependant remarquer que, dans l’usage quotidien local, ils sont
assez rares. Ainsi, par exemple, dans un quotidien comme l’Union,
on n’en relève en moyenne qu’un petit nombre (pas plus de 5 à
6 par numéro) et beaucoup sont récurrents. On peut donc affirmer
que dans la communication locale courante, 93% du vocabulaire, à
peu près, relèvent du français « commun ».
(Comptage effectué par les étudiants de maîtrise de
Francophonie de Paris III à partir d’exemplaires du journal l’Union
(numéros
d’octobre à décembre, 1996).
De plus, les quelques spécificités
locales ne sont pas également réparties dans l’usage. Si
l’on s’appuie sur la représentation « en soleil » de
l’organisation fonctionnelle du lexique français conçue par
Rivenc (1971 : 51-70), un certain nombre de faits peuvent apparaître
:
Le noyau commun fondamental du lexique à fréquence
élevée est à peu près identique pour les Gabonais
et pour les Français, à quelques rares éléments
près : gagner pour « avoir »,
être pour
pour
« appartenir à », payer pour « acheter
».
Le lexique disponible commun fondamental est le
lieu des divergences les plus fréquentes et les plus marquées
(realia différentes: andok, fourmi safari, singe soleil, bâton
de manioc, diarrhée rouge; pratiques culturelles : bwiti,
bois sacré, manger l’iboga ; dénominations administratives
: province, chef de canton, district, déguerpissement, etc...).
Les lexiques généraux d’orientation scientifique, généralement
acquis par l’école ou par des apprentissages variés sont
finalement relativement peu différenciés, même si on
tient compte de l’adaptation au terrain des enseignements : saison des
pluies, bush littoral, mangrove ...
Les lexiques très spécialisés,
au contraire, sont généralement identiques pour les spécialistes
d’une même discipline qu’ils soient Gabonais ou Français,
qu’il s’agisse par exemple du recours pour la faune et la flore aux identifications
scientifiques, à des termes techniques spécifiques.
Sous le français local, l’Afrique est toujours
présente, dans une double attraction, d’une part vers la tradition,
la culture ancestrale, le fonds merveilleux des contes et des mythologies
du terroir, d’autre part vers la modernité, ses réalités
(développement, ouverture sur la civilisation de l’universel, mondialisation
des communications,...) mais aussi ses clinquants aux effets parfois destructeurs.
De ces oppositions, ailleurs conflictuelles, le Gabon semble opérer
une synthèse presque harmonieuse dont l’appropriation locale du
français peut apparaître comme le témoignage.
3.3.2. Typologie fonctionnelle.
On a coutume de distinguer trois types de particularités selon qu’elles
touchent l’usage, la sémantique ou la forme de la lexie. (Lafage,
1977, 1993 : 29-31).
Le tableau ci-joint tente de montrer, de façon
générale, ce que peut produire le déplacement du lexique
français au Gabon. Il ne prend donc en compte (en essayant
de les catégoriser) que les modifications qui aboutissent aux changements
propres au lexique français du Gabon.
A- Variations de l’usage : Elles peuvent dépendre de
plusieurs facteurs :
-Modification de la fréquence . Ainsi
des termes rares ou fortement spécialisés dans l’hexagone
peuvent, au Gabon, relever du vocabulaire commun disponible : pian,
loa-loa, tsé-tsé, tilapia,... De même, des parasynonymes
peuvent voir leur distribution changer : an/ année, portable/
cellulaire, vêtement/ habit , ....
-Survivance d’états de langue . Certaines
lexies considérées comme vieillies ou sorties de l’usage
dans
l’hexagone restent au Gabon parfaitement vivantes : accoutrement,
chambre ("pièce"), canguer ("enchaîner»"),
carotte
de tabac, troque, ...
-Neutralisation de l’opposition de registres
: belle de nuit ("putain").
-Modification d’expressions figées
(phénomène très fréquent) : soit par addition
d’un élément : Quand les
poules auront des dents et des cornes au menton ("quand les
poules auront des dents"), muet comme nos carpes Lambaréné
("muet
comme une carpe"), soit par suppression d’un élément : bras
dessus-dessous ("bras dessus-bras dessous"), soit par substitution
: raisonner comme une calebasse ("raisonner comme un chaudron"),
soit par permutation d’éléments : faire des mains et des
pieds ("faire des pieds et des mains"). -Modification
graphique usuelle : bonané ( "bonne année"),
-Modification d’origine phonétique :
bandé-con
("bande de cons").
-Modification référentielle
: Ainsi le balai local n’a pas de manche (contrairement à la définition
que donnent de cet instrument les dictionnaires français usuels).
D’où l’absence locale de l’expression "être maigre comme un
manche à balai").
B- Variation sémantique : La lexie du français
de référence est attestée dans le français
gabonais sans modification ni de sa forme ni de sa nature grammaticale.
La particularité touche uniquement son sens.
-Restriction de sens : graine ("noix
de palme"), sauce ("ragout de viande ou de poisson"), conjoncture
("mauvaise conjoncture, période de pénurie d’argent"), ...
-Extension de sens : gâter, gaspiller
("tout
verbe donnant l’idée de destruction : détériorer,
abîmer, détruire, désorganiser, gâcher, ... "),
frère,
cousin, ("sens très vaste n’impliquant pas forcément
une relation de parenté"), banquier ("toute personne qui
travaille dans une banque, quel que soit son emploi"), assiette
("tout récipient susceptible de contenir des aliments, même
s’il est muni d’un couvercle"), ...
-Translation : boule mitcha ("Gabonais
qui a effectué un séjour à Paris et donc fréquenté
le boulevard St Michel"), bancs ("école"), goudron
, ("rue goudronnée, route").
-Changement de connotation : charlatan
(mélioratif "devin-guérisseur"), cascadeur (péjoratif
"jeune dont les imprudences peuvent mettre la vie d’autrui en danger"),
...
-Changement de dénotation : bureau
("femme entretenue par un homme marié"), cavalier ("gros
moustique"), vamper ("quitter son enveloppe charnelle pour s’introduire
dans l’esprit et le corps d’autrui"), tigre ("serval"), renard
("mangouste"), ...
C- Néologismes : Les termes gabonais, ici recensés,
sont absents du français de référence en raison d’
-un changement de catégorie grammaticale
. Ainsi un nom peut devenir adjectif : caillou ("dur, difficile"),
un nom peut devenir adverbe : cadeau ("gratuitement"), un adjectif
peut devenir nom : coloniale ("époque coloniale/ administration
coloniale"), un verbe transitif direct peut se construire absolument :
préparer
(avec une restriction de sens "faire la cuisine"), un verbe transitif indirect
peut devenir transitif direct : accoucher un garçon ("accoucher
d’un garçon"), un verbe pronominal peut ne plus l’être :
tailler ("se tailler"), ...
-une abréviation. P.K. ("point kilométrique"),
clando
("taxi clandestin"), bagne ("bagnole"), rapido ("rapport
sexuel dans un véhicule avec une prostituée"), ...
-un redoublement.Coupé-coupé
("grillad"»), arranger-arranger ("artisan itinérant"),
petit-petit
("tout petit"), plat-plat ("carangue"), ...
-une dérivation. (Procédé
très fréquent surtout s’il s’agit de suffixation ou de parasynthèse).
Après-pétrole
("période durant laquelle le secteur pétrolier ne suffira
plus à assurer le financement du développement du pays"),
célibatairium
("logement
de célibataire"), bufflon
("jeune buffle"),
interprovincial
, ("de province à province"),
ananeraie , ("plantation d’ananas"),
charlatanisme
("pratiques thérapeutiques secrètes des charlatans-voyants"),
dédeuillement
("sortie de deuil"). Certaines dérivations
peuvent être régressives aussi comme alphabète
(antonyme d’analphabète, "personne sachant lire et écrire"),
becte, (à partir de "becter" "nourriture"), concoction
(mot obsolète ressuscité à partir de "concocter").
-une composition. (Procédé extrêmement
fréquent).
Adouci-coeur ("gigolo"), tradipraticien ("guérisseur
traditionnel utilisant la pharmacopée africaine"), bouillon-tonton
("plat
de poisson fumé"), singe soleil ("Cercopithecus solatus"),
case d’écoute ("case où l’on se réunit pour
regarder la télévision") , cochon de terre, ("oryctérope"),
boire au clairon ("boire au goulot"), perdre son coeur ("perdre
le contrôle de soi"), ...
-un emprunt. (Procédé évidemment
fort fréquent et pouvant provenir de sources diverses). Langues
non africaines comme le portugais : cassada ("tranches de manioc
cuites"), farigna ("semoule de manioc"); langues africaines non-locales
comme le wolof du Sénégal : cram-cram ("Cenchrus biflorus,
plante dont les épillets s’accrochent aux vêtements"), le
mandenkan d’Afrique de l’Ouest : magnan ("anoma molesta, fourmi
aux redoutables mandibules"), ainsi que toutes les langues locales : bwiti
(du tsogho "rite initiatique"), kombo-gombo (du miéné
"bois du parasolier"), makaya (du fang "monsieur tout le monde"),
...
-une hybridation. (Néologie constituée
à partir de bases lexicales provenant de langues différentes,
de telle sorte que le mot ainsi constitué relève exclusivement
du lexique local de la langue d’accueil), soit par dérivation, soit
par composition : bwitiste (tsogho/ français "adepte du bwiti"),
boîte à byèri (français/ fang : ‘byer =
ancêtre’ "reliquaire"), carpe ékouni (français/
fang (poisson "Tilapia heudoletii"). -un calque.
(Sans qu’il soit toujours possible d’identifier étroitement la langue-source
car l’expression peut avoir des formes très proches dans de nombreux
parlers bantous de la région) : donner la bouche, faire la longue
bouche, mâcher du piment contre quelqu’un, ...
Il faut cependant noter que, parfois, la particularité lexicale
retenue peut résulter de la convergence de plusieurs des traits
fonctionnels présentés supra. Ainsi bûch est à
la fois une néologie par abréviation familière de
"bûcheron", mot qui présente au Gabon un changement dans la
dénotation "partisan du R.N.B, Rassemblement National des Bûcherons,
parti politique d’opposition", tribaliste est une création
locale par suffixation, à connotation toujours fortement péjorative,
etc. D- Collecte et sélection des données.
Compte-tenu de ce qui a été dit en 3.2., la collecte a été
extensive et a été recueillie, tant à partir du dépouillement
de tous les ouvrages concernant le Gabon (qu’ils soient ou non écrits
par des Gabonais) que nous avons pu consulter (cf. Bibliographie), qu’il
s’agisse d’oeuvres littéraires, para-littéraires, scientifiques
de toutes natures, de la presse locale, de documents variés, pour
l’écrit. Ou bien pour l’oralité, d’enregistrements d’émissions
télévisées ou radiodiffusées, de discours ou
de conversations diverses, effectués partout où nos enquêteurs
en ont eu la possibilité, donc surtout en contextes urbains. Ou
même de textes trouvés sur des sites gabonais du Web. Les
jeunes ont été, certes, plus fréquemment interrogés,
d’une part parce qu’ils étaient généralement plus
disponibles, compte-tenu du statut estudiantin des enquêteurs, mais
aussi parce que, dans les mutations que connaît l’Afrique actuelle,
la classe des Gabonais urbanisés de 15 à 30 ans est pratiquement
entièrement francophone avec, parfois, le français comme
langue première et quasi-exclusive. Il était donc intéressant
d’appréhender, à travers leurs propos, une prospective de
l’avenir local du français. Tous les enregistrements
ont été conservés afin de constituer un fond documentaire
à partir duquel d’autres analyses (phonétique, prosodique,
morpho-syntaxique,...) pourront être être entreprises car le
dépouillement à ce jour effectué possède exclusivement
une visée lexicale. Toutes les attestations contenant ce qui nous
est apparu comme une particularité, même si la lexie est d’un
emploi très fréquent, ont été collectées
pour la constitution de la banque de données. Cependant, afin de
ne pas inutilement alourdir l’ouvrage, nous n’avons retenu, dans l’illustration
d’un article dictionnairique, qu’un nombre très restreint d’exemples,
choisis essentiellement pour la clarté évocatrice de leur
spécificité. Toutefois, il faut bien reconnaître qu’en
ce qui concerne le français du Gabon, nous avons rencontré
un problème particulier, fort délicat à résoudre.
Du fait de l’extension de son usage dans la communication nationale, la
langue française au Gabon est proche de celle qui est pratiquée
dans l’hexagone, bien plus, semble-t-il, que ce n’est le cas dans d’autres
pays africains francophones pour lesquels nous avons réalisé
des inventaires de particularités (Bénin, Togo, Côte-d’Ivoire,
Burkina-Faso...). Il arrive cependant de percevoir, notamment dans la presse
écrite, certaines distorsions délicates à cerner.
Dans ce cas, seule la multiplication des exemples relevés permet
de distinguer la réalité de l’écart et donc de le
décrire. Il n’est pourtant guère possible compte-tenu des
contraintes éditoriales, d’alourdir certains articles par une abondance
accrue d’illustrations. Par conséquent, il est nécessaire
de préciser ici qu’aucune entrée de l’IFGAB n’est un hapax
et que la banque possède d’autres attestations de la lexie étudiée,
différentes de celles qui ont été choisies pour l’élaboration
de l’article. De même, tous les exemples fournis pour l’oral ont
été effectivement réalisés, même si nous
avons été souvent contraintes de les réduire à
la séquence illustrative concernée, d’en ôter d’éventuels
ratés (répétition, hésitations, redites, autocorrections,
etc.) afin d’en conserver l’intelligibilité.
Par contre, les critères de sélection d’une entrée
ne sont pas aussi limitatifs que ceux qui ont été adoptés
pour l’IFA. - Ainsi le critère de fréquence
n’est appliqué qu’aux mots ne relevant pas d’un lexique de spécialité.
Il est en effet évident que les appellations de la faune ou de la
flore ne sont pas forcément toutes connues du locuteur moyen et
se rencontrent peu hors des ouvrages spécialisés. Il nous
a pourtant paru important de consacrer des entrées à toutes
celles qui avaient reçu une dénomination populaire attestée,
qu’il s’agisse d’un terme français ou emprunté. Par ailleurs,
il apparaissait que des appellations présentes dans les dictionnaires
de référence, soit n’avaient été prises en
compte qu’à la suite de la publication de l’IFA (et dans ce cas,
elles n’en restaient pas moins des realia africaines impossibles à
omettre) soit fonctionnaient localement comme un générique,
entraînant comme sous-entrées une suite de termes spécifiques
usuels ou plus rares qu’il convenait de regrouper (cf. les entrées
antilope*,
arbre*, poisson*, etc...). D’ailleurs il paraissait justifié
de répertorier dans l’inventaire tous les items qui permettaient
de rendre compte des réalités d’un pays où la flore
est encore presque vierge et la faune préservée, alors qu’ailleurs
tant d’espèces semblent avoir disparu ces dernières années,
si l’on en croît les ouvrages scientifiques récents (cf Haltenorth/
Diller, 1985). Enfin, il nous a semblé utile d’indiquer dans la
rubrique « synonymie » (SYN. : ) de l’article, chaque
fois que cela nous a été possible, une équivalence
dans une ou deux langues du pays afin de faciliter éventuellement
l’identification de l’entrée par le lecteur gabonais non spécialiste.
En effet, les africanistes lorsqu’ils font un lexique d’une langue africaine
sont contraints souvent, pour la faune et la flore, d’utiliser comme identification
de la plante ou de l’animal, l’appellation scientifique latine, faute de
connaître le nom français vulgaire équivalent ou parfois
de crainte que l’appellation française locale usuelle soit scientifiquement
inadéquate (cf. bambou*, boa*, caiman* ,...).
Le critère de dispersion géographique ne signifie pas grand
chose dans un pays où la plus grande partie de la population se
rassemble dans les deux villes les plus importantes, peu éloignées
l’une de l’autre et forcément hétérogènes dans
leur population. Cependant, lorsque certains termes, (notamment des emprunts),
nous ont paru d’extension plus régionale, nous avons estimé
préférable d’en noter éventuellement les équivalents,
ailleurs, dans le pays et d’en indiquer la localisation.
Le critère de dispersion chronologique est
évidemment restreint puisque nous avons essentiellement travaillé
en synchronie. Néanmoins, le dépouillement de certains ouvrages
relatant des évènements historiques, les récentes
publications d’écrits plus anciens de A. Raponda-Walker, permettent
d’explorer un passé relativement récent et de constater quelques
changements qu’il a été jugé utile de noter. Par contre,
comme nous l’avons déjà souligné, cet ouvrage n’étant
qu’une première description, il ne nous a pas été
possible de vérifier la durée d’utilisation de certaines
expressions familières très à la mode chez les jeunes.
Quant au critère de dispersion sociale, il n’a guère eu d’influence
sur la sélection d’une lexie, mais, lorsqu’une particularité
nous a semblé plus caractéristique d’un groupe social donné
(argot estudiantin, intellectuels, pétroliers*,...), nous l’avons
précisé dans les notations sociolinguistiques de l’article.
Chacune des particularités rencontrées,
a été soumise ,pour vérification, en contexte non
éclairant, à deux types de jurys. D’une part, un jury de
Gabonais d’une dizaine de personnes (5 hommes et 5 femmes de 20 à
50 ans représentant des N1/N2, des N3 et des N4), interrogés
séparément. D’autre part, un jury de cinq non-Gabonais résidant
dans ce pays depuis plus de cinq ans, eux aussi questionnés isolément.
Cette vérification nous a permis d’éliminer certaines scories
et d’engranger les informations qui figurent dans la rubrique marques
d’usage des articles de l’Inventaire (cf. 3.4.2. Micro-structure).
3.4. L’élaboration de l’IFGAB.
3.4.1. Le classement de la nomenclature : macro-structure.
Pour l’IFGAB, comme pour tous les autres inventaires
parus à ce jour, les lexies sont classées en fonction de
l’ordre alphabétique. La forme graphique retenue pour l’entrée
est celle dont l’attestation est la plus fréquente dans le corpus.
Elle est suivie des autres graphies éventuellement rencontrées
par ordre alphabétique. Chaque variation graphique importante est
à son tour répertoriée en fonction du classement alphabétique
mais il ne s’agit pas d’un nouvel article car l’entrée constitue
alors un renvoi réduit à l’identification grammaticale et
à une éventuelle attestation écrite éclairante.
Ex. : bouïti, bouiti, n.m.V. BWITI *. Par
‘Bouiti’ on entend : 1° la société secrète du’Bouiti’,
2° la danse se rapportant au culte du ‘Bouiti’, 3° la statue fétiche
du ‘Bouiti ‘. (Raponda-Walker, 1998 : 56). Lorsque
la particularité n’a été rencontrée qu’en contexte
oral, elle est, pour les raisons exposées supra, l’objet d’une reconstitution
orthographique qui se veut le plus conforme possible au système
graphique français afin d’en faciliter la lecture. Mais pour respecter
éventuellement des graphies locales possibles, nous avons choisi
d’écrire côte à côte par exemple : koumhou,
var. kumhu ; groover, var. grouver.
Comme on l’a vu dans l’exemple ci-dessus, nous utilisons
par ailleurs un sytème de renvoi. Ce renvoi en majuscules grasses
est alors accompagné d’un astérisque qui, lorsqu’il s’agit
d’une lexie complexe suit le segment indiquant la classification alphabétique
de l’entrée principale ( CAPITAINE*-PLEXIGLASS, PERDRE SON COEUR*
). Néanmoins, le renvoi peut avoir plusieurs utilisations différentes.
Soit il suit l’identification grammaticale et dans ce cas il établit
entre l’entrée et une autre entrée une parenté sémantique
(synonymique, antonymique,...). Soit il suit la définition et il
établit un lien de similarité entre l’entrée et le
renvoi (construction grammaticale, identité de composition morphologique,...).
Enfin, lorsque l’astérisque accompagne un mot contenu dans une attestation,
cela signifie que ce mot est l’objet d’un article de forme dictionnairique.
Il nous a paru préférable, pour pallier l’effet arbitraire
déstructurant que donne l’ordre alphabétique, de rassembler
dans un même article, une série hiérarchisée
de mots composés ou dérivés relevant du même
thème, soit, comme nous l’avons dit supra, parce que le rapport
entre eux est celui du générique (le terme de l’entrée,
par exemple bois ) au spécifique (les composés ou
dérivés qui en sont issus : bois bandé, bois amer,
bois-bouchon etc...) soit parce que l’ensemble des expressions collectées
relève de la perception gabonaise d’un élément, par
exemple pour la symbolique du corps humain. Ainsi, toutes les expressions
contenant le mot bouche sont regroupées dans les sous-entrées
d’un même article. Ainsi donner la bouche figure à
la place alphabétique (lettre D) qui serait la sienne mais ne contient
qu’un renvoi V. BOUCHE* (sous-entrée où l’on trouvera
notations sociolinguistiques, définition et exemples).
Toutefois, pour alléger les articles spécialisés,
s’il ne s’agit que de citer quelques-unes des dénominations françaises
très techniques désignant des espèces différentes
relevant d’un même genre, nous avons estimé préférable
de les réunir sous une seule et même entrée (cf.
Galago, Gobemouche ).
3.4.2. La constitution des articles : micro-structure.
Tous les articles de l’inventaire sont organisés selon une grille
identique. Lorsque pour une entrée, plusieurs sens ou plusieurs
constructions sont attestés, ceux-ci sont hiérarchisés
d’abord en fonction du sens (sens propre puis sens figuré) puis
de la nature grammaticale : sens attaché à un v.tr. puis
à un v. intr. par ex. ou à la distinction n. ou adj. Dans
quelques rares cas, une mince nuance de signification peut être indiquée
par une subdivision A) ou B) de l’entrée ou de la
sous-entrée concernée. Lorsqu’il s’agit de composés
ou de locutions constituées à partir de l’entrée,
elles sont rassemblées dans une sous-entrée et classées
par ordre alphabétique (cf. par exemple SERPENT* ou ANTILOPE
.*) lorsqu’il s’agit d’un générique comprenant des animaux
fort différents. Par contre, lorsqu’il s’agit de distinctions plus
subtiles entre animaux de la même espèce, un seul et même
article rassemble toutes les appellations (V. SOUIMANGA *). Précisons
toutefois que des homonymes feront l’objet d’entrées différentes
séparées et numérotées. Ainsi DRILL (1)
est un tissu épais et résistant, généralement
de couleur kaki et DRILL (2) un singe de la famille des Cercopithèques,
le papio (mandrillus] leucophaeus Cuvier.L’entrée est présentée
en caractères gras, en majuscule accentuéea selon les normes
habituellement en vigueur dans les dictionnaires. La forme vedette (la
plus fréquente dans l’usage écrit local) est suivie des éventuelles
variantes graphiques rencontrées, toujours en caractères
majuscules gras. Lorsque l’entrée est un emprunt, la vedette représente
la forme francisée (de lecture plus accessible à des lecteurs
francophones non-gabonais), accompagnée, comme nous l’avons dit
plus haut, de la graphie plus conforme à la notation de la langue
d’origine. En principe, toutes les variantes graphiques mentionnées
ne sont pas illustrées dans l’article principal pour ne pas alourdir
inutilement le texte. Quand nous en avons une attestation écrite,
elle est insérée comme illustration à côté
de l’entrée alphabétique de la variante graphique, à
côté du renvoi à l’entrée principale.La transcription
phonétique entre crochets et en Alphabet phonétique international
(A.P.I). ne figure pas dans l’IFGAB, pour cette édition, car, compte-tenu
du nombre d’ethnies en présence dans le pays et de la proximité
des parlers bantous, la prononciation d’un mot emprunté peut poser
problème, chaque groupe ethnique le réalisant en conformité
avec ses habitudes dialectales. Un travail ultérieur devrait permettre
de vérifier des convergences articulatoires éventuelles en
contexte urbain pluriethnique.La catégorie grammaticale notée
en abrégé, en caractères italiques. figure ensuite.
Il peut arriver parfois que les deux genres soient indiqués pour
indiquer l’instabilité locale du genre d’un nom (ex. : palabre
, n.m ou f.). Par contre, la graphie au féminin d’un mot masculin
n’est mentionnée que si la féminisation de ce nom constitue
une particularité. La spécificité du nombre est également
mentionnée si la lexie exige un emploi préférentiel
au singulier ou au pluriel. Tout pluriel exigeant une notation particulière
attestée est indiqué. Par contre, les adjectifs ne figurent
que sous la forme du masculin, sauf si la formation du féminin n’obéit
pas aux règles habituelles. Pour les verbes enfin, le mode de construction
et les modifications de valence sont également précisés.Les
diverses marques d’usage viennent ensuite, en caractères italiques
: tout d’abord la fréquence . Usuel signifie que le
terme est courant dans la vie quotidienne et dans tous les milieux, Fréquent
(Fréq.) qu’il est d’un usage plus restreint, Disponible (Dispon.)
qu’il est connu mais assez peu utilisé, Spécialisé
(Spéc.) qu’il relève d’un vocabulaire technique, Vieux
(Vx)/ Vieilli : que le terme est obsolète ou en voie de disparition.
Exceptionnellement, un terme d’apparition récente sera noté
Nouveau
et suivi de la date de première attestation écrite recueillie.
La
mention du code précisera s’il s’agit d’un usage seulement attesté
à l’écrit ou seulement attesté à l’oral.
L’absence de toute indication signifie qu’il n’y a pas lieu de signaler
une spécificité d’usage des deux codes.L’étymologie
du mot vedette emprunté figure entre parenthèses. Il mentionne
l’origine en précisant le nom de la langue (ou des langues-source)
et éventuellement du pays où celle-ci est parlée s’il
ne s’agit pas d’une langue gabonaise. L’absence d’indiction de l’origine
signifie qu’il nous a été encore impossible d’identifier
la langue-source. Lorsque la lexie a changé de signification en
changeant de langue, nous avons pensé utile de fournir entre «
» le sens d’origine.On trouvera ensuite quelques notations sociolinguistiques
concernant le groupe des utilisateurs : intellectuels/ peu ou non scolarisés/
étudiants/ jeunes... L’absence de cette indication signifie
que la lexie est répandue dans tous les milieux. Le type de réalisation
est aussi précisé si nécessaire : langue recherchée
/ mésolecte (: parler ordinaire)/ basilecte (: parler
spécifique des peu ou non scolarisés) / stéréotype
. Les registres sont éventuellement indiqués : littéraire/
familier/ populaire/ vulgaire/ argot ..,.ainsi que la connotation éventuelle
: mélioratif/ péjoratif/ plaisant..., et la limitation
géographique possible de la diffusion.Il faut cependant préciser
que la notation Usuel ne sera suivie que rarement d’une autre mention sociolinguistique
à l’exception de notations concernant la connotation.La définition
est aussi brève que faire se peut sans perdre de l’information.
En principe, une lexie est définie par une autre lexie équivalente
dans le français de référence, de même catégorie
grammaticale et de même registre. Ainsi par exemple, nous nous sommes
efforcées de définir un emploi argotique gabonais par son
équivalent argotique hexagonal, un mot vulgaire local par un mot
de même niveau du lexique de France. Néanmoins, lorsqu’il
s’agit d’éléments relevant de la culture traditionnelle gabonaise,
si les contextes illustratifs ne paraissaient pas suffisants pour éclairer
le lecteur étranger, nous avons cru bon d’ajouter les quelques informations
de type encyclopédique nécessaires, ce qui n’a pas toujours
été facile. (cf byéri, bwiti,...). En ce qui
concerne les lexies relevant de la faune ou de la flore, la définition
est toujours précédée de l’appellation scientifique
actuelle accompagnée du nom de l’identificateur en abrégé
et éventuellement des équivalences passées (notées
=) car il n’est pas toujours aisé pour un non-professionnel de s’y
reconnaître dans les diverses appellations qui se sont succédé
ou qui ont coéxisté selon les pays, sans consulter d’index,
quand il en existe, comme l’Index de Kew qui établit de façon
certaine les synonymies scientifiques pour la flore. C’est ainsi que aiélé
est défini par l’ensemble des identités qu’il a connues :
(Canariurm Sweinfurtii Engl. = Canarium Chevalieri Guill. = Canarium Khiala
A. Chev. = Canarium occidentale A. Chev.). Si un seul élément
de la dénomination scientifique a changé, l’ancienne forme
figure entre crochets. Ex. : autour gabar, (Melierax [Micronisus]
gabar Daudin). Le nom de l’identificateur figurant rarement dans les ouvrages
moins spécialisés que les flores ou les index, il nous a
été parfois impossible d’en découvrir certains. Une
telle lacune est notée « ? ».Les illustrations
sont données ensuite en caractères italiques. Elles sont
classées par ordre chronologique, sans mention de la rubrique d’appartenance,
bien que celle-ci ait été soigneusement répertoriée
dans la banque de données. On trouvera donc dans l’IFGAB des attestations
littéraires (: littérature de fiction identifiée par
le nom de l’auteur, suivi de la date de parution et de la page dont la
citation a été extraite), des attestations issues d’ouvrages
divers (: ouvrages variés portant sur l’histoire, l’ethnologie,
le tourisme, l’économie etc., identifiés par le nom de l’auteur,
la date de parution et la page), des extraits de presse (journaux, identifiés
par leur titre et la date de parution), ou d’ouvrages techniques : (ouvrages
spécialisés). Dans ce dernier cas, il peut arriver que l’attestation
soit simplement indiquée par ses références exactes
[auteur, date de parution : page] lorsque le mot-vedette apparaît
dans un contexte où la plupart des termes très scientifiques
nécessiteraient une glose explicative). Certaines attestations proviennent
de documents variés (bandes-dessinées, dessins humoristiques,
affiches, lettres-circulaires, etc, clairement identifiés, extraits
de copies d’étudiants, ...), d’enregistrements d’émissions
télévisée ou radiodiffusées (accompagnés
du nom de l’émission, et de la date), d’extraits d’un site du Web,
de contextes oraux (conversations identifiées par la fonction du
locuteur, éventuellement son âge, le lieu et l’année
de l’enregistrement). Nous n’avons pas fourni d’illustrations de tous les
types de contextes répertoriés ci-dessus, en raison des contraintes
éditoriales. Enfin, pour quelques rares contextes oraux, il nous
a parfois paru indispensable de joindre une « traduction »
complète de l’énoncé .Une rubrique COM . :
(commentaire) peut suivre les contextes pour apporter d’éventuels
éclaircissements sur la graphie d’un pluriel, par exemple la redondance
du pluriel bantou ba- et du pluriel français ?s dans badirecteurs
ou l’absence de marque du genre et du nombre dans certains emprunts.La
rubrique ENCYCL. : (encyclopédie) est réservée
à d’éventuelles informations encyclopédiques qu’il
n’était pas possible d’insérer dans la définition
et que les contextes n’éclairaient pas suffisamment.Les rubriques
DER . : (dérivés), COMP. : (composés) soulignent
la productivité du mot-vedette par la préfixation, la dérivation,
la parasynthèse ou la composition et entérinent la pertinence
de sa sélection. Toutes les lexèmes cités dans cette
rubrique renvoient à des entrées ou sous-entrées distinctes.LOC.
: (locutions) regroupe toutes les locutions et les syntagmes où
figure le terme analysé. Ceux-ci font l’objet d’une analyse distincte
dans une sous-entrée du mot-vedette.SYN. : (synonymes) présente
la liste des équivalents du mot-vedette dans le français
local. Cette synonymie peut n’être que partielle, ce qui est, évidemment,
mentionné. De toute manière, les lexèmes cités
comme synonymes renvoient à une entrée spécifique.
Pour la faune et la flore cependant, pour les raisons exposées supra,
nous indiquons généralement une synonymie dans au moins une
des langues du pays. Mais pour éviter d’inutiles répétitions,
les mots possédant de multiples synonymes, sont suivis d’un renvoi
au mot le plus fréquemment employé qui, seul fera l’objet
d’un article complet, comportant notations sociolinguistiques, définition,
illustrations et liste de la totalité des synonymes contenus dans
l’IFGAB.
3.5. La réalisation de l’IFGAB.
La collecte regroupe environ 2 500 entrées principales (avec pour
certaines près d’une trentaine de sous-entrées représentant
de nouvelles unités de sens). Le travail ne peut cependant être
considéré comme achevé ou exhaustif. Bien que n’en
ignorant pas les imperfections, nous avons pourtant voulu le proposer au
jugement du public, d’une part dans l’espoir de susciter de l’intérêt
pour les problèmes onomasiologiques et sémasiologiques du
français gabonais et donc d’attirer critiques, conseils, corrections
ou collaborations, d’autre part parce qu’il fallait mettre un terme provisoire
à la recherche si l’on voulait tenir les délais impartis
à la mise en commun des données en vue de la nouvelle synthèse
africaine. Nous ne voudrions pas toutefois clore cette introduction sans
dire toute notre reconnaissance et toute notre amitié, non seulement
aux étudiants déjà cités qui ont, dans des
délais fort restreints, accepté de fournir un travail remarquable,
mais aussi à tous les informateurs rencontrés qui ont bien
voulu consacrer un peu de temps à répondre à nos questions
fastidieuses, à nous expliquer leur pays, ses coutumes et ses traditions.
Grâce à eux tous, le Gabon a pu nous dévoiler quelques-uns
de ses aspects les plus attachants, ignorés du touriste de passage,
nous émerveiller et devenir un pays désormais cher à
notre coeur.
Suzanne LAFAGE
Karine BOUCHER
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